La Femme De Papier

de peur de rester trop longtemps », l’humiliation de
penser que peut-être tu t’imaginais que j’allais te croire,
l’humiliation de ne pas mériter la vérité, de ne pas
paraître assez forte pour la supporter, cette honte et cette
humiliation m’ont immédiatement interdit la moindre
tentative pour te retenir. D’ailleurs, essayer de retenir
l’autre n’avait jamais fait partie de la règle du jeu, n’est-ce
pas ?
Et longtemps après ton départ, un départ sans gloire,
cela va de soi, je refusais encore de considérer que tu étais
peut-être, sinon le plus malheureux, du moins le plus
gêné des deux, tout comme je refusais de nommer la
terrible bête qui venait de me mordre du trop éloquent
nom de « chagrin ». Je ne me voulais qu’offensée, mais
gravement offensée, d’une insulte qui remettrait sans
doute tout en question entre nous.
Alors, pour laver l’affront, pour me prouver à la fois
que je pouvais séduire et être séduite encore, pour me
venger bassement, petitement, je t’ai trompé…
À partir de là, l’aventure pourrait sembler ne
concerner que moi, et n’avoir donc aucune place dans ce
cahier, qui se souvient de nous deux ensemble. Et
pourtant… Pourtant je la raconterai tout de même,
puisque tu y jouas un rôle non négligeable, à commencer
par celui d’instigateur, oh ! bien involontaire, mais ta
responsabilité dans l’affaire n’en demeure pas moins
entière.
Il faut aussi compter avec le Destin, ce malicieux, qui
me « le » fit croiser ce jour-là, au lendemain d’une triste
nuit que j’avais passée à te maudire la moitié du temps et