La Femme De Papier

ce petit matin encore bleuté verrait mon avènement, mon
triomphe, que je devais m’attendre à être honorée,
adorée et fêtée au-delà de tous mes rêves et de tous mes
fantasmes… Il me fallait seulement être femme, et
consentante. Je ne fus plus, dès lors, qu’un long et
savoureux consentement, depuis ma nuque docile qui
s’inclina et frissonna sous vos baisers jusqu’à, plus tard…
Mais je ne veux pas brûler les étapes, je veux me
délecter, et toi avec moi, du moindre détail de cette
longue délibération qui me fit déesse de votre culte…
La route était sinueuse, et ses courbes me pressaient
tantôt contre lui, tantôt contre toi. De l’un à l’autre, je
goûtais vos différences, je m’enivrais de vos points
communs. Un contrat tacite s’était établi entre nous, qui
me dispensait de toute forme hypocrite de protestation.
Je n’eus pas à prononcer des « non » qui, de toute façon,
n’eussent guère été convaincus ; je n’eus pas à seulement
feindre la moindre indignation, plus à m’interroger, plus à
penser du tout.
Vos mains commencèrent à rivaliser d’audace sur moi,
je les laissai s’émanciper en leur facilitant la tâche de
temps à autre. Je me félicitai tout bas d’être aussi
parfaitement binaire, et m’étonnai même tout à coup
qu’un seul homme eût pu me suffire jusqu’à présent. Je
portais un bustier des plus légers, aux brides
complaisantés, que vous avez surtout de suite amadouer :
une bride chacun, à faire glisser sur mes épaules, une
épaule chacun, à caresser, à frôler, et dont vous souligniez,
chacun de son côté, la rondeur et la douceur.
Puis le bustier céda, et mes seins apparurent. Un sein