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LEO SPITZER<br />
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par le romancier Balzac) a sa part de responsabilité dans une<br />
autre évolution de son emploi : l’idée d’un « milieu influent »<br />
[conditioning medium] finit par prévaloir sur l’idée spatiale — « ce<br />
Thérive affirme que ce mot « pédant » signifie simplement « état d’esprit,<br />
humeur, caractère, tour d’esprit, nature » et qu’il n’ajoute rien à<br />
ces termes ; j’objecterai cependant qu’il ajoute précisément la connotation<br />
de fatalisme. Dauzat prétend que le mot devint plutôt banal en<br />
France après la Première guerre mondiale, mais Proust témoigne des<br />
premiers commencements de son épanouissement au moment de l’affaire<br />
Dreyfus ; son duc de Guermantes, enclin à introduire tous les<br />
néologismes dans son discours parce qu’ils rendent un son progressiste,<br />
dit :<br />
Ah ! mentalité ! j’en prends note, je le resservirai… Mentalité me plaît !<br />
Il y a comme cela des mots nouveaux qu’on lance, mais ils ne durent<br />
pas…<br />
Cette prophétie cependant ne s’est pas accomplie ; pour l’année 1909, on<br />
trouve des phrases attestées telles que Cl. de Hohenlohe avait une mentalité<br />
de souverain* (Bebernitz, Neubildungen u. Neuerscheinungen der frz. Spr.);en<br />
1905, un pamphlet était publié par Émile Durkheim sous le titre « “ L’Allemagne<br />
au-dessus de tout ”, la mentalité allemande et la guerre ». On peut<br />
également voir la persistance de la nuance fataliste de mentalité dans l’emploi<br />
par Lévy-Bruhl de l’expression mentalité primitive en référence à ces<br />
tendances et ces habitudes qui dominent et déterminent l’esprit primitif<br />
(« …actives au plus profond de nous-mêmes, rebelles à l’analyse, irréductibles<br />
à la pensée claire », Nouv. Rev. Fr., XLI, 352). — En allemand, Mentalität,<br />
emprunté à son tour au français, est attesté pour la première fois<br />
dans les œuvres de H. S. Chamberlain, l’Anglais devenu Allemand, à qui<br />
l’on peut peut-être attribuer son emploi étendu et postérieur (« das Denken<br />
und Empfinden des Franzosen, das, was er mit einem schlechten,<br />
dem amerikanischen ( !) English entnommenen Wort la mentalité nennt » ;<br />
cf. Schulz-Baseler, Fremdwörterbuch). Les accents pessimistes du terme, en<br />
particulier quand il est appliqué à un certain groupe pour désigner celui<br />
qui est étranger aux autres, se reflètent dans des passages comme le<br />
suivant, extrait de von Bülow (1917) : « …vermag sich schwer in die