MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
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de cette évolution, ambiens a de temps en temps été perdu de vue,
mais nous sommes tombés sur un autre grand mot — medium.
Nous avons alors vu que chacun en était arrivé à avoir une relation
étrange et indissoluble : assurément indissoluble, mais jamais
constante ni de tout repos. Ils se sont rencontrés de temps en
temps (même en grec, le √|ƒ§Ä¤∑μ était le ¥Ä«∑μ de la perception),
juste pour s’effleurer, et comme électrisés par ce contact, chacun
repart de nouveau dans sa propre direction. Dans l’italien renaissant,
mezzo et ambiente étaient souvent comparables, quoique
jamais identiques ; en français, l’épithète subordonnée ambiant,
d’abord absorbée par milieu 75 , réapparaît dans l’expression synonyme
circonstances ambiantes de Comte et de Taine, et réalise ultimement
son autonomie dans le substantif ambiance, distinct de
milieu — mais seulement comme l’âme du corps se distingue
d’une même entité.
En effet, tandis que, comme nous l’avons dit, ambiance est un
√|ƒ§Ä¤∑μ spirituel, milieu est bien plus concret, plus terrestre, plus
limité que ne l’était le terme grec ; ainsi rien ne s’approche du
concept de √|ƒ§Ä¤∑μ — un concept peut-être perdu à jamais. Mais
des deux mots, c’est milieu qui s’en rapproche le plus et, ce qui est
intéressant, c’est en lui — le nouvel arrivant dans l’orbite de
√|ƒ§Ä¤∑μ-ambiens, que se reflète cette ancienne idée de la
« coquille ». Pour les Grecs, c’était un espace où l’humanité était
protégée comme dans un récipient, de même qu’au Moyen Âge
l’homme vivait dans les limites [confines] d’un univers clos objet
de l’amour divin. Ces limites ont été dissoutes pour toujours par
la science de la Renaissance — cependant l’idée d’un récipient
revient à nouveau quelques siècles plus tard, sous la forme modi-
75 Avant que cette intégration n’ait eu lieu, pendant que milieu ambiant
était une expression en réserve des physiciens, medium et ambiens
vivaient en fait ensemble. Mais, comme il arrive souvent dans les
mariages, cette association n’a fait ressortir que les qualités triviales,
mineures de chacun des deux partenaires.