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MILIEU ET AMBIANCE.

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LEO SPITZER<br />

487<br />

sophie idéaliste allemande : alors que cette dernière était caractérisée<br />

par une vision cosmique (Schelling), Heidegger installe le<br />

siège du « monde » dans l’existence de l’individu à l’intérieur de<br />

laquelle le um- est vivant. Avec lui alors, la vieille idée mystique et<br />

piétiste de l’Innerweltlichkeit (d’un Nicolas de Cuse qui comprendrait<br />

l’univers et Dieu intra regionis suae circulum, ou d’un Ruysbroeck<br />

dont le monde intérieur autant que son « ambiente » est<br />

empli de Dieu : « In mir got, buissen mir got, umle mich und<br />

umbrings got, Alles Got, ich en weyss nit sonder got ») est poussée<br />

à un tel point d’existentialisme que le « milieu », en tant que réalité<br />

objective, disparaît entièrement. L’essence de l’existence telle<br />

que la voit Heidegger correspond à sa « tension d’intentionnalité<br />

», à son « sein zu ». L’existence est orientée vers la mort et il<br />

n’existe qu’une seule possibilité de libération pour une vie dont<br />

le sens est la mort — c’est la « vie héroïque » qui accepte la mort.<br />

De manière assez ironique, il a suffi d’une légère modification<br />

pour transformer cet Umwelt sans substance en un Lebensraum 13<br />

donner l’impression que les mots du langage de quiconque (ici l’allemand)<br />

ont, par nature, le sens que chacun voudrait leur attribuer. De plus, l’universalité<br />

des affirmations de Heidegger est sapée lorsqu’il essaie d’étayer sa<br />

philosophie au moyen de la relation étymologique des mots dans une seule<br />

langue : il frôle le faiseur de calembours pseudo-philosophiques, le rhétoriqueur*<br />

contre qui le rire rabelaisien était une saine attitude.<br />

13 L’idée de « Lebensraum » et de « Umwelt » existait dans une certaine<br />

mesure dans le Peter Schlemihl (1814) de von Chamisso — l’histoire d’un<br />

homme sans ombre. En réponse à ceux qui s’inquiétaient de la signification<br />

de l’ombre le romancier, également un scientifique, répliqua :<br />

l’ombre représente un solide dont la forme dépend à la fois de celle du<br />

corps lumineux, de celle du corps opaque et de la position de celui-ci à<br />

l’égard du corps lumineux… Mon imprudent ami a convoité l’argent<br />

dont il connaissait le prix, et n’a pas songé au solide ; la leçon qu’il a<br />

chérement payée, il veut qu’elle nous profite, et son expérience nous<br />

crie : songez au solide ! (Préface à la traduction française de 1838.)

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