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CONFÉRENCE<br />
Descartes et la res extensa a disparu. Cette philosophie spatialise<br />
l’esprit humain, représentant à cet égard le développement de<br />
l’Untergangsstimmung de Spengler bien plus que celle de la philo-<br />
du discours humain afin de remonter au jour ses tendances cachéees ;<br />
de plus, et dans ce cas précis, le Urgefühl de « l’être-au-monde » tend<br />
même à se soutenir. Dans d’autres cas pourtant, Heidegger a recours à<br />
l’étymologie historique comme quand, en accord avec Jakob Grimm, il<br />
analyse les prépositions in et an (anglais on, français sur) pour montrer<br />
l’empreinte de « l’être-au-monde » dans le langage :<br />
« in » stammt von innen-wohnen, habitare, sich aufhalten ; « an »<br />
bedeutet : ich bin gewohnt, vertraut mit, ich pflege etwas ; es hat die<br />
Bedeutung von colo im Sinn von habito und diligo… Der Ausdruck<br />
« bin » hängt zusammen mit « bei » ; « ich bin » besagt wiederum : ich<br />
wohne, halte mich auf bei… der Welt, als dem so und so Vertrauten.<br />
Quoique ces spéculations étymologiques soient fortement discutables<br />
(ich bin par exemple s’explique aujourd’hui comme égal à ⁄Õ∑¥`§—<br />
« devenir » ; bei = a¥⁄§- , amb-, umbi-), Heidegger a raison dans sa perspective<br />
de restituer son atmosphère originelle, la « chaleur du milieu »,<br />
à une préposition aussi banale que in (comparable, dans sa relation à<br />
l’anglo-saxon inne — « maison », anglais inn, au français chez — casa<br />
« dans la maison de »). Mais je reste sceptique devant l’emploi de l’étymologie<br />
quand un philosophe choisit arbitrairement un barreau particulier<br />
de l’échelle sémantique dans l’intention de justifier sa propre<br />
philosophie à l’aide des « leçons que nous enseigne la langue ». À propos<br />
de um-, Heidegger s’en tient aux significations suggérées par<br />
l’usage allemand actuel, ignorant l’idée originelle présente dans la<br />
racine indo-européenne (nous avons déjà discuté de la relation du grec<br />
a¥⁄§- , du latin amb- avec e¥⁄›, ambo qui suggère l’idée « des deux<br />
côtés » [cf. beide, « both — les deux » et « by — à côté »], et non pas<br />
« autour » comme circum) ; quant aux prépositions in, an, bin, il se rend<br />
coupable de conjecture linguistique fantaisiste sous couvert d’histoire<br />
des mots. S’il a raison de définir comme il l’entend tout terme donné<br />
selon son emploi dans le langage courant, il n’est pas acceptable de