MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
C’est très curieux, moi, les gens, je les juge par le regard, par
l’observation… Vous, c’est par une sorte d’intuition de l’ambiance.
(Les cinq derniers mots sont soulignés.)
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L’histoire d’une littérature symbolise avec le fait élémentaire d’une
personne : fait tellement élémentaire qu’il pourrait être incorporé à
l’état civil et religieux comme la vie, la naissance, le mariage et la mort.
Le dérivé verbal de climat, s’acclimater*, est attesté pour la première fois
en 1787-88 (en anglais, to acclimate apparaît en 1792, tandis que l’allemand
akklimatisieren et l’espagnol aclimatarse apparaissent dans la
seconde moitié du dix-huitième siècle) ; il signifiait à l’origine « s’habituer
à un certain climat ». Cependant, en même temps que le champ
d’application de climat s’élargissait, le verbe en vint à adopter le sens
élargi « s’adapter aux conditions ». Selon F. Gohin (« Les transformations
de la langue française pendant la deuxième moitié du XVIII e siècle »,
p. 253) le sens figuratif est attesté pour la première fois dans l’œuvre de
Delille, Les Jardins (je n’ai pu retrouver le passage en question). On
trouve chez Gaudy (1839) le même emploi de l’allemand sich akklimatisieren
; comparé à l’usage moderne, j’ai le sentiment que c’est l’authentique
sich einleben allemand, à l’origine employé pour suggérer ce que
l’on appelle aujourd’hui Einfühlung — « empathie » (sich einleben in eine
Zeit, eine Dichtung) qui, dans un emploi moins important, a pris la place
de sich akklimatisieren (par ex. wie haben Sie sich in diesem Milieu eingelebt,
Herr Kollege ?) — ceci formant un parallèle avec l’emploi moins
fréquent d’Umwelt comme traduction du milieu français. (De toute évidence,
ceci ne veut pas dire que l’idée de s’adapter à son environnement
ne pouvait pas être exprimée avant la formulation d’une expression
aussi déterministe que s’acclimater* ; on trouve ainsi dans le
dictionnaire Espagnol-Français d’Oudin [édition de 1675], à l’article
estar hallado [littéralement : « être dans un état de s’être trouvé (soimême)
»] : « quand un Estranger s’apprivoise & s’accomode hors de son
pays » (cet exemple est instructif pour les deux langues). — Enfin, il est
intéressant de noter l’emploi métaphorique d’un autre mot de signification
similaire : température*. A. Grégoire (Mélanges Bally, 1939) a judicieusement
souligné la tendance des financiers à se référer à la hausse