MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
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Bornés en tout genre, cet état qui tient le milieu entre deux
extrêmes se trouve en toutes nos puissances (Pensées, II, 72, édition
Brunschvicg).
…rien ne peut fixer le fini entre les deux infinis, qui l’enferment
et le fuient. Cela étant bien compris, je crois qu’on se tiendra
en repos, chacun dans l’état où la nature l’a placé. Ce milieu
qui nous est échu en partage étant toujours distant des extrêmes,
qu’importe qu’un homme ait un peu plus d’intelligence des
choses (ibid.).
Ainsi ce mot ne suggère plus du tout une relation à désirer : le
milieu* de Pascal, ce lieu déterminé selon les deux pôles de l’absolu,
est un lieu dans lequel l’homme fini est « condamné », et
duquel il ne pourra jamais s’échapper — il ne peut que se résigner,
ce roseau pensant*! 43
Cependant, même si le mot milieu* recouvre essentiellement
une notion géométrique, il n’est pas une pure abstraction ; dans
la conception de l’humana natura en tant que creatura media… ut per
ipsum medium omnia conniventur extrema remonte à Francisco Georgius
Venetus (Zorzi), et à Nicolas de Cuse (ib.).
43 Quelle différence entre cette conception de la position intermédiaire
de l’homme et celle de Dante ! Quand Pascal voit l’homme isolé, exclu
des deux extrêmes (et en même temps terrifié par l’infini qu’il ne peut
connaître : « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ! »), le poète
médiéval le voit se réjouissant sereinement d’une position médiane avantageuse
à partir de laquelle il peut être en relation avec les extrêmes :
Si erga homo medium quoddam est corruptibilium et incorruptibilium,
cum omne medium capiat naturam extremorum… (De Mon., III, 16)
(Selon la volonté de Dieu, l’homme a deux objets : l’un temporel,
l’autre spirituel ; c’est pourquoi il doit être gouverné par deux pouvoirs
divins délégués — le Monarque et le Pape). Il y a une allusion à cette
aurea mediocritas qui n’existe pas du tout chez le tragique Pascal. —