MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
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de constructions arbitraires et peut, dans tous les cas, se remplacer
par la juxtaposition de figures qu’on sait rendre aussi petites
qu’il est nécessaire. Un édifice, si complexe qu’on pourra le
concevoir, multiplié et proportionnellement rapetissé, représentera
l’élément d’un milieu dont les propriétés dépendront de
celles de cet élément.
Ainsi, au contact de la main d’un poète, un cycle est achevé :
de la physique à la biologie, à la sociologie, à la parole populaire
— et de là, à la physique moderne 73 . Quelle constance admirable
dans la matérialité d’un mot, survivant au flux de conceptions
changeantes ! Tout se passe comme si l’homme occidental était
davantage disposé à multiplier les ombres et les connotations,
les richesses internes d’un mot à portée de main, plutôt qu’à
créer un nouveau matériau verbal ; c’est comme si une pensée
nouvelle cherchait à se vêtir des vieux ornements familiers.
Vossler a dit un jour que « der Gedanke nicht anders zum
Begriff werden kann, als indem er aus der Larve seines sprachlichen
Vorlebens ausschlüpft und die tote Puppe abwirft ». Mais il
a négligé la vérité selon laquelle dans le langage la chrysalide
peut survivre, avec le papillon. Nous transportons pour toujours
du champ sémantique, tout autant qu’il est déterminé par lui, révélant
les forces qui dominent dans la zone sémantique (cf. A. Götze dans
Behaghel-Festschrift, p. 171). Selon les termes d’E. Börling commentant
la Charakterologie de L. Klages, « …der gesamte Kosmos, auch die sogenannte
tote Welt, ist ein ungeheures Ausdrucksfeld » (« Darstellung u.
Kritik der Charakterologie von L. Klages », Giessen, 1929).
73 — seulement si on le trouve dans une expression individualiste. Évidemment,
ce terme sociologique vulgarisé n’a pas été accepté dans le
vocabulaire de la physique moderne — de même qu’il est impossible
d’imaginer que milieu, avec ses connotations de stabilité et de finitude,
puisse jamais servir à la place de champ. Mais dans ce passage, il a été
choisi par Valéry parce qu’il convenait au mieux pour s’opposer à la
vacuité de l’univers newtonien.