MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
l’homme doit comprendre qu’il est le résultat déterminé d’une addition.
À présent, milieu* a une connotation tragique, et la vie quotidienne,
avec ses aspirations spirituelles, sa lutte inepte contre les
« taupes » du milieu*, prend un tour tragicomique. (Cf. E. Auerbach et
son étude sur Flaubert dans Mimesis ; quant au terme allemand der
Alltag, Sainte-Beuve éprouva le besoin de trouver un équivalent français,
et inventa le tous-les-jours* par lequel rendre la nuance bovaryenne
de la grisaille écrasante de l’ennui.)
intérieur ” chez Flaubert » (Approximations I, 1923). Il y analyse le
« milieu intérieur » de Flaubert en tant que représentant non pas l’essence
créatrice du romancier mais les éléments passifs, déterministes
de sa nature ; et comme représentant une sorte de côté matériel [earthiness]
inné et de brutalité fatale que seule la volonté du grand artiste
qu’était Flaubert pouvait à la fin surmonter. Du Bos analyse comme
suit le passage extrait de la Correspondance de Flaubert :
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« Au fond, je suis l’homme des brouillards et c’est à force de patience et
d’étude que je me suis débarrassé de toute la glaire blanchâtre qui
noyait mes muscles. »
On ne saurait mieux décrire le « milieu intérieur » qui dans le cas de
Flaubert est donné : une masse imposante par son seul volume, mais
indifférenciée et comme engourdie, qui laisse voir à l’examen des milliers
de mouvements infinitésimaux dont chacun intéresse l’ensemble
de la masse elle-même : une bête allongée où se surprend en tous sens
le travail aveugle des animalcules qui la composent. Mens agitat molem ;
mais ici c’est la moles seule dont, à l’origine, on constate la présence ; la
mens y est encore toute engluée, toute abîmée. Nulle trace de ces
accents, de ces différences de relief, de ces naissantes directions
de cours d’eau par où le plus souvent le génie promis à la
maîtrise dessine les premiers linéaments de sa carte de géographie
future (p. 160).
Il est significatif que ce soit ce Flaubert terre-à-terre qui soit choisi
comme exemple de « milieu intérieur » typique. (On a pu remarquer
dans cet extrait un mélange de métaphores, à la manière de Taine,
créées à partir de différentes sciences naturelles.)