MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
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vrai que la poésie adoucit à peine la rigidité de la géométrie euclidienne,
l’homme doit toujours naviguer entre deux infinis sans
jamais atteindre le refuge d’un port. Mais le caractère concret
dont ce terme est capable ne doit pas être négligé : il est la preuve
peut-être de la transparence du lieu* dans le mot milieu* — un
facteur qui pourrait se présenter à nouveau, et dont pourraient
dépendre les derniers stades de l’évolution de milieu* tel que
nous le connaissons aujourd’hui.
Dans cet usage de milieu* (« point ou lieu intermédiaire »), il
n’y a rien qui pourrait expliquer le choix du mot français de
rendre compte de la fonctionnalité du medium newtonien ; et
comme pour milieu* au sens des moralistes, le juste milieu* totale-
il est délicat d’associer une définition de base (le « lieu géométrique ») à la
mention particulière de ce mot. Celui-ci peut difficilement être défini
comme signifiant « un lieu où l’homme passe sa vie » simplement parce
que dans la métaphore pascalienne, un lieu devient l’océan de la vie. —
Le second exemple (une addition de Saint-Simon au Journal de Dangeau)
convient encore moins à cette interprétation, qu’il inclut sous (13) :
Le malheur de la France fut tel que ce grand homme [Louvois] fut employé
dans un milieu qui fit le malheur du royaume pour plus d’un siècle.
Là encore, les deux extrêmes ne sont pas seulement ignorés – ce milieu
de Louvois n’était pas son habitat. Il est plutôt évident que, d’après le
contexte, les deux extrêmes sont Colbert et Louis XIV. Le milieu renvoie
à une situation déterminée en fonction de ces deux personnages
— à la situation que Louvois devait adopter envers Louis XIV, étant
donné que Colbert s’opposait à lui. En termes astronomiques, une telle
relation serait rendue par le mot conjoncture* — et en effet, au début du
même passage, ce même mot est employé pour renvoyer à l’infortunée
situation du Ministre de la guerre :
M. de Louvois étoit le plus grand homme en son genre qui ait paru
depuis plusieurs siècles, mais dont les talents ont été aussi les plus
funestes à la France par les conjonctures où il s’est trouvê.