MILIEU ET AMBIANCE.

LEO SPITZER
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mangée par l’ambiance des milieux, par cela même une individualité
plus déteneuse d’une volonté propre que l’homme de
l’Orient 61 .
Cet extrait présente la conception de l’homme occidental
triomphant de son environnement (au moins quand on le compare
à son frère oriental), possédant une volonté et une individualité
d’un relief évident ; sa (relative) indépendance est assurée non
seulement par les séries d’expressions introduites par plus* mais
également dans l’expression « moins mangée par l’ambiance des
milieux ». Et pourtant, dans cette terrible expression, le tableau
que nous voyons (même si son application à l’homme occidental
est refusée) est celui de l’homme mangé par la chose qui l’a
engendré : on voit le « milieu » de Taine à l’œuvre — et de manière
plus vivace que les dogmes des sociologues peuvent le montrer.
Nous n’entendons pas la voix d’un scientifique mais celle d’un
homme qui s’aligne sur l’humanité souffrante — un homme qui
est aussi un artiste ingénieux et un maître de style.
C’est en effet techniquement une manœuvre stylistique qui
est impliquée dans l’expression l’ambiance des milieux*. D’abord, il
est évident qu’il y a eu renversement des rôles en ce qui concerne
le nom et le modificatif : l’adjectif ambiant*, naguère employé
pour modifier milieu*, et plus tard conservé comme épithète évocatrice
de la qualité du « milieu », est devenu à présent l’élément
prédominant. La qualité, l’essence du « milieu » a été réalisée,
faite souveraine ; une situation factuelle a été réduite à son principe
abstrait, par l’affirmation d’une entité : l’ambiance des
milieux* ; une définition a été accomplie. Nommer simplement
une situation malheureuse nous libère en quelque sorte de son
61 Ce passage, tiré de l’ouverture de l’année 1891 dans le Journal,
signale la plus ancienne occurrence du mot ambiance en français,
d’après ce dont témoignent les exemples de Michaëlsson.