MUSIQUES ACTUELLES et JEUNE PUBLIC - Petit Faucheux

3. Du coup, la réflexion porte de façon aiguë, pour Brigitte Lallier et par contrecoup pour les
artistes, sur la façon dont se déploie la réception d’un enfant tout au long d’une journée, que
ce soit à la crèche, dans une école primaire, ou dans une journée de congé. Le réveil, le
repas, la sieste, l’arrivée ou le départ sont autant de moments ayant chacun leur particularité
pour les modes d’écoute : quelles formes musicales devront être trouvées pour se mettre en
harmonie avec ces différentes disponibilités ? On est ici dans une approche qui rejoint le
discours de certains pédagogues estimant que l’éducation doit mettre l’enfant au centre des
préoccupations au lieu de fixer son attention sur le seul programme disciplinaire. Ce n’est ni
démagogie ni facilité, mais simplement exigence déontologique : faire un pas en direction de
celui qu’on veut rencontrer et non posture hiérarchique visant à conformer l’enfant à un plan
élaboré en fonction d’objectifs artistiques ou autres, fut-il en situation de tout devoir
apprendre.
4. En d’autres termes, la question se noue toujours sur le même article, quelle que soit
l’invitation du moment : comment traiter l’offre artistique ? Comment manifester la force
d’une proposition artistique, ce qui ne se résume pas à programmer une œuvre ? L’Athénor
ne manque pas d’exemples que sa directrice estime significatifs. La rencontre entre un
guitariste tel que Camel Zekri, porteur de la musique sud-algérienne, avec le Diwan, témoin
d’une autre source traditionnelle, se présentant ensemble dans les différents lieux
d’apprentissage de la musique aussi bien que dans les écoles primaires du quartier, ouvre un
espace inédit où peuvent s’aventurer les oreilles de jeunes auditeurs conviés à un effort de
découverte qui dépasse celui de la simple identification des origines.
Certes la rencontre ne s’opère pas de manière magique par la seule présence physique. On
retrouve ici la nécessité de ceux que le langage consacré appelle « médiateurs », au rang
desquels par exemple se trouvent les musiciens intervenant à l’école, susceptible de trouver
les mots et les références qui faciliteront la rencontre entre la démarche d’un artiste et les
capacités des enfants à un moment donnée de leur parcours pour accueillir la nouveauté. Là
encore Brigitte Lallier sait que la structure missionnée pour le jeune public doit favoriser un
autre type de rencontre préalable, celle de l’artiste et du musicien intervenant, ou du
professeur d’instrument dans une école de musique, ou de l’éducateur dans la maison de
quartier, pour que la suite puisse se développer. Et elle sait par expérience que souvent « ça
commence par aller boire un coup ensemble »…
5. Le même Camel intervient au Cefedem : les préparations se font largement en amont, pas
nécessairement pour des étudiants qui viendront directement sur le quartier pour travailler
avec l’artiste invité, mais parce qu’ultérieurement, dans leur fonction de futurs professeurs
de musique, ces étudiants auront à se rappeler que la diffusion en direction du jeune public
intègre toutes ces étapes et qu’ils ne pourront y demeurer étrangers. Leur enseignement ne
pourra se développer en espace clos, à plus forte raison s’ils sont appelés à travailler dans
des ateliers décentralisés de leur conservatoire.
6. L’exigence artistique est une façon de cimenter un groupe sur une autre plate-forme que
celle du communautarisme. Un travail avec Richard Dubelski a permis de faire naître, sur un
quartier, le désir de travailler avec un chanteur de hip-hop. Avec le concours de Trempolino
s’est construit un collectif d’où est née une création. Ce collectif et Richard ont embarqué
120