MUSIQUES ACTUELLES et JEUNE PUBLIC - Petit Faucheux

La question se déplace alors de la fameuse « recherche de publics nouveaux » à un autre
type d’interrogation : « qu’est-ce qui peut engendrer, entretenir et développer cette
inclination ? » Si l’on prend le domaine des musiques actuelles (mais la remarque qui suit
vaut pour tout type de pratique esthétique), le sentiment d’une bataille gagnée vient à partir
du moment où l’on entend dans la salle un enfant s’exclamer spontanément, comme je l’ai
personnellement entendu lors du concert de la Corde à Vent à Béthoncourt : « c’est ça que
j’ai envie de faire ! ». Je ne sais plus à ce jour ce que manipulaient exactement les
musiciens, mais j’ai ressenti le même désir de volupté de la part de collégiens à la vue de
Médéric Collignon tripotant ses pads de percussion et bidouillant ses boutons sur ses
machines dédiées au traitement du son.
C’est à partir de ce moment que peut se poser la question, pour un diffuseur, comme pour un
enseignant qui a conduit ses enfants à la séance scolaire : « que fait-on maintenant, pour
prolonger ce moment de grâce ? » Doit s’amorcer alors un long et difficile échange entre
tous deux afin d’inventer un prolongement qui ne soit pas la seule duplication des schémas
connus (on fait faire un dessin en classe sur ce qu’on a vu et on le donne aux artistes, on
apprend une chanson du spectacle, on fait une rédaction ou un article sur ce qu’on a compris
de la séance, etc.).
Inventer, c’est dire qu’il n’y a pas de formule inscrite quelque part qu’il suffirait
d’appliquer. Une première évidence est que chaque action réclame une compétence, que
chaque compétence est le reflet de la diversité d’un métier, et que le lieu où s’exerce cette
compétence n’est pas sans importance. La pédagogie institutionnelle a été un maître mot
dans les années 1970. Il semble que les musiques actuelles, et plus largement la diffusion du
spectacle vivant, auraient intérêt à reprendre un tel dossier pour leur propre compte
D’une manière générale, chacun doit tenir son rôle et l’exercer depuis la plateforme
représentative de son insertion, et c’est cela qui aidera justement à franchir les barrages et
lutter contre les étanchéités. Ce sont sur les intuitions de la pédagogie institutionnelle que se
sont développées pour une grande part les musiciens intervenants. Ils ont cet avantage d’être
un peu de partout et de nulle part complètement : école de musique, école de quartier,
musiciens sur scènes, chefs de chœurs, beaucoup ne sont pas engloutis dans leur seule
spécialité, ni dans le seul organisme pour lequel ils travaillent. En même temps ils savent
que les répercussions de leurs efforts ne seront productifs à long terme que s’ils s’inscrivent
totalement dans le jeu des institutions avec lesquelles et pour lesquelles ils travaillent.
Inversement, si cela permet de définir le contenu à apposer au terme « intervenant », ces
mêmes institutions ne peuvent faire appel à eux qu’à la mesure de cette compétence dont ils
ont besoin, ce qui exclut toute approximation dans la façon d’être « musicien », c’est-à-dire
artiste. C’est en ce sens qu’est souvent encore décrié le terme « animateur », parfois de
façon très injuste, l’appellation étant assimilée à générosité sociale plus qu’expérience
artistique.
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