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La condition du traducteur de Pierre Assouline - Centre National du ...

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VI. Là où il y a <strong>de</strong> l’abus 79<br />

Off<br />

Qu’il y ait en permanence <strong>de</strong>s litiges entre tra<strong>du</strong>cteurs et éditeurs, c’est une<br />

évi<strong>de</strong>nce ; il n’est que d’assister chaque année aux rencontres d’Arles pour<br />

en percevoir l’écho, <strong>du</strong>rant les débats ou en marge <strong>de</strong>s débats. Une faible<br />

proportion <strong>de</strong> ces différends est judiciarisée en raison <strong>du</strong> coût à supporter,<br />

infime pour les maisons d’édition, dissuasif pour les tra<strong>du</strong>cteurs, d’un tempérament<br />

assez peu militant, fussent-ils soutenus par l’ATLF. Pour ne rien<br />

dire <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong> se retrouver inscrit sur une liste noire par un éditeur<br />

au cas où l’affaire serait portée <strong>de</strong>vant les tribunaux. Voilée ou formulée,<br />

la menace <strong>de</strong> se retrouver ainsi au chômage technique décourage les élans<br />

judiciaires.<br />

Pourtant, dès qu’on interroge les tra<strong>du</strong>cteurs off, le répertoire <strong>de</strong>s éditeurs<br />

qui ne paient pas et n’envoient même pas <strong>de</strong> contrat s’établit <strong>de</strong> luimême<br />

tant, là aussi, les moutons noirs <strong>de</strong> la profession sont connus <strong>de</strong> tous<br />

et <strong>de</strong> longue date.<br />

Mais il n’y a pas que les éditeurs : les tra<strong>du</strong>cteurs aussi doivent se remettre<br />

en cause. Si c’est un abus d’éditeur que <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qu’une fiction soit tra<strong>du</strong>ite<br />

rapi<strong>de</strong>ment par plusieurs personnes au besoin, qui se partageraient les<br />

chapitres, comme cela se pratique couramment pour un document d’actualité<br />

édité dans l’urgence ; c’est également un abus <strong>de</strong> la part <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur<br />

cette fois-ci que d’agir semblablement en sous-traitant une partie <strong>du</strong> roman<br />

dont il signera seul la tra<strong>du</strong>ction.<br />

Les tra<strong>du</strong>cteurs <strong>de</strong>vraient aussi prendre conscience d’un certain nombre<br />

d’évolutions indépendantes <strong>de</strong> leur volonté mais qui ne seront pas sans inci<strong>de</strong>nce<br />

sur leur pratique. Ils gagneraient peut-être à méditer cette réflexion<br />

<strong>de</strong> l’écrivain canadien Neil Bissoondath, originaire <strong>de</strong> Trinidad et Tobago,<br />

qui invite la France, à l’instar <strong>de</strong> l’Angleterre qui n’est plus qu’un pays parmi<br />

d’autres au sein <strong>de</strong> l’anglophonie, à ne plus se considérer comme le centre <strong>de</strong><br />

la francophonie et à renoncer à imposer ses usages linguistiques. Dans son<br />

élan, l’écrivain avoue même qu’il préfère que ses livres soient tra<strong>du</strong>its chez<br />

Boréal à Montréal,<br />

« parce que chez un éditeur français, c’est trop parisien ».<br />

Qui est visé là si ce n’est le couple éditeur/tra<strong>du</strong>cteur confon<strong>du</strong> en une<br />

entité ? 22<br />

Car les abus sont parfois le fait <strong>du</strong> tan<strong>de</strong>m qu’ils forment. Sans même<br />

revenir aux pratiques d’autrefois et aux cas fameux (Kafka/Vialatte), il n’est<br />

que <strong>de</strong> voir ce qui se faisait récemment encore dans le domaine <strong>du</strong> roman<br />

22. Entretien avec Neil Bisoondath, 9 novembre 2008.

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