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La condition du traducteur de Pierre Assouline - Centre National du ...

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<strong>La</strong> <strong>condition</strong> <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur<br />

Juxtaposons à cette version un extrait <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Jean-Louis Besson et Jean<br />

Jourdheuil, parue chez Minuit, en 2009. Et observons :<br />

« Au matin il se vit avec leurs yeux,<br />

fardé <strong>de</strong> sang animal, chair animale dans les mains,<br />

et non éteinte sa soif d’un autre sang.<br />

Il marcha vers la mer, seul avec l’épée rouge,<br />

entouré <strong>du</strong> rire immense <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux armées,<br />

il marcha, se lava dans la houle étrangère, lava<br />

son épée aussi, la secourable, en planta la poignée<br />

fermement dans le sol exilaire, puis,<br />

abreuvant la grève <strong>de</strong> son propre sang, il fit<br />

sur son épée le long chemin qui mène au noir. »<br />

(Tra<strong>du</strong>ction François Rey)<br />

« Au matin il se vit avec leurs yeux<br />

Fardé <strong>de</strong> sang animal, <strong>de</strong> la chair animale dans les mains.<br />

Et non éteinte sa soif d’un autre sang.<br />

Il marcha vers la mer, seul avec son glaive rouge.<br />

Immense rire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux armées autour<br />

Marcha, se lava dans le ressac <strong>de</strong>s vagues étrangères, lava<br />

Son glaive aussi, son recours, en planta la poignée<br />

Soli<strong>de</strong>ment dans la terre étrangère et fit<br />

Sur son glaive, abreuvant la grève <strong>de</strong> son propre sang<br />

Le long chemin qui con<strong>du</strong>it dans le noir. »<br />

(Tra<strong>du</strong>ction Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil)<br />

Il ne nous appartient pas ici <strong>de</strong> juger <strong>du</strong> fond. Mais le fait est que le premier<br />

tra<strong>du</strong>cteur a sursauté et entend le faire savoir :<br />

« En lisant leur texte dans l’autobus, j’ai été stupéfait : un abus manifeste…<br />

Le procédé me paraît misérable. Ils prosaïsent tout après avoir suridéologisé<br />

Müller comme homme à idées. Enten<strong>de</strong>z-moi bien : ce n’est pas pour l’argent<br />

que je réclame l’expertise comparée. Ce qui me blesse, c’est que leur texte, fautif,<br />

plat et scatologique, <strong>de</strong>vienne la référence en français. »<br />

Et François Rey d’ajouter que si ce n’est pas la règle, ce n’est pas non plus<br />

l’exception puisqu’on lui aurait déjà « fait le coup » avec ses tra<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong><br />

Nathan le Sage <strong>de</strong> Lessing et <strong>de</strong> la Lettre au père <strong>de</strong> Kafka 8 .<br />

Il est vrai que souvent, <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> théâtre subventionné, la justification<br />

<strong>de</strong> certaines retra<strong>du</strong>ctions ne tient pas à la mauvaise qualité <strong>de</strong> la celles qui<br />

8. Entretien avec François Rey, 19 novembre 2009.

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