La condition du traducteur de Pierre Assouline - Centre National du ...
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<strong>La</strong> <strong>condition</strong> <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur<br />
« J’ai tra<strong>du</strong>it Par-<strong>de</strong>ssus bord <strong>du</strong> japonais en français. Puis Michel Vinaver<br />
a adapté ma tra<strong>du</strong>ction 4 . »<br />
Les confusions <strong>de</strong> ce type se multiplient. Pourtant, quand il y a différend,<br />
les procès sont rares car les procé<strong>du</strong>res sont dissuasives : longues, coûteuses,<br />
incertaines quant à l’issue. Aussi, lorsqu’une affaire va jusqu’au tribunal, estce<br />
un cas d’école. En voici quelques-uns.<br />
L’affaire Ibsen<br />
En 2007, Solveig Schwartz, tra<strong>du</strong>ctrice <strong>du</strong> norvégien, est approchée par<br />
Marion Bernè<strong>de</strong> pour effectuer « une tra<strong>du</strong>ction littérale » <strong>du</strong> Canard sauvage,<br />
pièce d’Henrik Ibsen. Même s’il lui est aussitôt notifié que l’objectif<br />
visé est une adaptation, elle se voit promettre l’inscription <strong>de</strong> son nom sur<br />
l’affiche. Le paiement <strong>de</strong> son travail s’étale en <strong>de</strong>ux versements « non déclarés<br />
», avant et après la remise <strong>du</strong> texte. Une fois qu’elle a eu déposé son travail,<br />
la voilà à nouveau contactée par le commanditaire, désireux d’enrichir la<br />
pièce <strong>de</strong> ses variantes et premiers manuscrits. Solveig Schwartz, se rendant<br />
justement à Oslo, propose donc d’aller les consulter à la Bibliothèque nationale<br />
; à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, elle les tra<strong>du</strong>it en complément, ce dont elle est dédommagée.<br />
Invitée à la première <strong>de</strong> la pièce en novembre 2008 à Nogent-sur-Marne,<br />
elle a la double surprise <strong>de</strong> constater que son nom ne figure par sur l’affiche,<br />
non plus que sur le livret <strong>de</strong> la pièce publié par Actes Sud/Papiers, spécialisé<br />
dans l’édition théâtrale. En revanche, sur la couverture <strong>de</strong> l’ouvrage comme<br />
dans la notice postée sur le site <strong>de</strong> la maison d’édition, il est précisé : « Tra<strong>du</strong>it<br />
<strong>du</strong> norvégien par Yves Beaunesne et Marion Bernè<strong>de</strong> ». Il n’y a guère que dans<br />
le programme distribué au théâtre qu’apparaît le nom <strong>de</strong> Solveig Schwartz –<br />
quoique orné d’une faute d’orthographe.<br />
<strong>La</strong> tra<strong>du</strong>ctrice se manifeste donc par courrier dès le len<strong>de</strong>main auprès<br />
<strong>de</strong>s instances concernées. Une rencontre est organisée, chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
parties ayant amené son témoin : l’une, la vice-prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> l’association<br />
Nordika dont elle membre (Département <strong>de</strong>s langues nordiques <strong>de</strong> Paris IV-<br />
Sorbonne) ; les autres, l’administratrice <strong>de</strong> leur théâtre. <strong>La</strong> tra<strong>du</strong>ctrice insiste<br />
avec succès pour obtenir que figure la mention « Tra<strong>du</strong>ction littérale <strong>de</strong><br />
Solveig Schwartz », tandis que le metteur en scène et son adaptatrice estiment<br />
que le travail ren<strong>du</strong> est purement technique et, <strong>de</strong> surcroît, le fruit d’une tra<strong>du</strong>ctrice<br />
novice, qui vient à peine d’achever ses étu<strong>de</strong>s. Mme Schwartz a beau<br />
4. Réunion <strong>de</strong> la Maison Antoine-Vitez au théâtre <strong>de</strong> l’Odéon, 12 octobre 2009.