La condition du traducteur de Pierre Assouline - Centre National du ...
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<strong>La</strong> <strong>condition</strong> <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur<br />
an dont le tirage moyen est <strong>de</strong> 1 000 exemplaires), parce que ses animateurs,<br />
Benjamin Dupré et Stéphanie Marchais, sont convaincus que seule une<br />
structure éditoriale à but non lucratif permet <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>s ouvrages sans<br />
compromettre leur qualité intellectuelle, mais aussi car elle dissocie l’édition<br />
<strong>de</strong> la pièce <strong>de</strong> sa représentation publique. Le projet <strong>de</strong> spectacle n’est pas<br />
un critère <strong>de</strong> publication. Aux yeux <strong>de</strong> ses fondateurs, le théâtre vaut d’être<br />
lu pour lui-même. D’ailleurs, à une ou <strong>de</strong>ux exceptions près, tous les livres<br />
qu’ils ont fait paraître n’étaient pas assurés, initialement, d’être portés à la<br />
scène, même si tous l’ont été par la suite 16 .<br />
Cela dit, aussi imparfait et inégal soit-il, le système a au moins le mérite<br />
<strong>de</strong> voir les pièces publiées, ce que les Allemands nous envient car outre-Rhin,<br />
elles sont le plus souvent disponibles en format numérique sans passer par<br />
le papier. Encore que l’on peut s’interroger sur l’économie <strong>de</strong> cette niche :<br />
qui achète encore <strong>de</strong>s pièces en livre ? L’école et l’université. Ne serait-il pas<br />
plus intéressant et efficace <strong>de</strong> les faire circuler sur la toile en téléchargement<br />
payant ?<br />
Il faudrait aussi mettre systématiquement le nom <strong>du</strong> tra<strong>du</strong>cteur à l’honneur<br />
sur l’affiche. Il n’en coûterait rien au directeur <strong>du</strong> théâtre et l’on ne<br />
voit donc pas pourquoi il refuserait <strong>de</strong> réparer une lacune qui résulte <strong>de</strong><br />
la désinvolture plus que <strong>du</strong> calcul. Après tout, les tra<strong>du</strong>cteurs <strong>de</strong> théâtre,<br />
eux, n’hésitent pas à remercier, le cas échéant, metteurs en scène et comédiens.<br />
Ainsi, en page <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> la nouvelle édition revue et corrigée <strong>de</strong> <strong>La</strong><br />
Cerisaie d’Anton Tchekhov, parue chez Babel, en 2002, André Markowicz<br />
et Françoise Morvan expriment leur gratitu<strong>de</strong> à Alain Françon et Jean-<br />
Clau<strong>de</strong> Berrutti « qui [nous] ont permis <strong>de</strong> corriger notre tra<strong>du</strong>ction » au<br />
cours <strong>de</strong>s répétitions, étant enten<strong>du</strong> que la lecture <strong>de</strong> la pièce par les acteurs<br />
est toujours « une mise à l’épreuve décisive » susceptible <strong>de</strong> quantité<br />
<strong>de</strong> changements. Mais ce qui est vrai <strong>de</strong> l’affiche <strong>de</strong>vrait valoir pour tous<br />
les supports <strong>de</strong> communication. On se réjouit <strong>de</strong> lire, comme si c’était<br />
exceptionnel, la mention « tra<strong>du</strong>ction Dyssia Loubatière », entre le nom<br />
<strong>de</strong> l’adaptateur et celui <strong>du</strong> metteur en scène, sur le carton d’invitation à la<br />
représentation <strong>de</strong> la pièce Conversations avec ma mère <strong>de</strong> l’argentin Santiago<br />
Carlos Ovés, jouée au Théâtre <strong>de</strong> la Commune en 2010.<br />
On conviendra enfin que face aux abus <strong>de</strong> certains metteurs en scène,<br />
épaulés par leur éditeur et le théâtre qui les accueille, l’abus <strong>de</strong> l’écrivain<br />
qui se saisit <strong>de</strong> la tra<strong>du</strong>ction d’une pièce pour la reprendre à sa manière est<br />
pêché véniel. Que dire lorsqu’on voit, en 1954, et à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Jean-<br />
16. « Liaisons prometteuses », entretien avec Benjamin Dupré et Stéphanie Marchais in Le<br />
Matricule <strong>de</strong>s Anges, n o 118, novembre-décembre 2010.