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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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Tout en faisant ces doléances, ce brave homme achevait deseller le cheval gris ; la colonne était longue à défiler, et, ralentissantses mouvements, il fit une attention scrupuleuse à lalongueur des sangles et aux ardillons de chaque boucle de laselle, se donnant par là le temps de continuer ses discours.– Je vous demande bien pardon, monsieur, si je suis un peulong, c’est que je me suis foulé tant soit peu le bras en relevantM. de Thou, qui lui-même relevait monsieur le marquis pendantla grande culbute.– Comment ! tu es venu là, vieux fou ! dit <strong>Cinq</strong>-<strong>Mars</strong> : cen’est pas ton métier ; je t’ai dit de rester au camp.– Oh ! quant à ce qui est de rester au camp, c’est différent, jene sais pas rester là ; et, quand il se tire un coup de mousquet,je serais malade si je n’en voyais pas la lumière. Pour mon métier,c’est bien le mien d’avoir soin de vos chevaux, et vous êtesdessus, monsieur. Croyez-vous que, si je l’avais pu, je n’auraispas sauvé les jours de cette pauvre petite bête noire qui est làbasdans le fossé ? Ah ! <strong>com</strong>me je l’aimais, monsieur ! un chevalqui a gagné trois prix de course dans sa vie ! Quand j’ypense, cette vie-là a été trop courte pour tous ceux qui savaientl’aimer <strong>com</strong>me moi. Il ne se laissait donner l’avoine que parson Grandchamp, et il me caressait avec sa tête dans cemoment-là ; et la preuve, c’est le bout de l’oreille gauche qu’ilm’a emporté un jour, ce pauvre ami ; mais ce n’était pas qu’ilvoulût me faire du mal, au contraire. Il fallait voir <strong>com</strong>me ilhennissait de colère quand un autre l’approchait ; il a cassé lajambe à Jean à cause de cela, ce bon animal ; je l’aimais tant !Aussi, quand il est tombé, je le soutenais d’une main,M. de Locmaria de l’autre. J’ai bien cru d’abord que lui et cemonsieur allaient se relever ; mais malheureusement il n’y en aqu’un qui soit revenu en vie, et c’était celui que je connaissaisle moins. Vous avez l’air d’en rire, de ce que je dis sur votrecheval, monsieur ; mais vous oubliez qu’en temps de guerre lecheval est l’âme du cavalier, oui, monsieur, son âme ; car, quiest-ce qui épouvante l’infanterie ? c’est le cheval. Ce n’est certainementpas l’homme qui, une fois lancé, n’y fait guère plusqu’une botte de foin. Qui est-ce qui fait bien des actions qu’onadmire ? c’est encore le cheval ! Et quelquefois son maître voudraitêtre bien loin, qu’il se trouve malgré lui victorieux et ré<strong>com</strong>pensé,tandis que le pauvre animal n’y gagne que des135

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