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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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carabine dans l’autre ; la foule de ses gentilshommes circulaitentre ces candélabres vivants, tandis que dans le grand jardin,entouré d’épais marronniers, remplacés aujourd’hui par les arcades,deux <strong>com</strong>pagnies de Chevau-légers à cheval, le mousquetau poing, se tenaient prêtes au premier ordre et à la premièrecrainte de leur maître.Le Cardinal, porté et suivi par ses trente-huit pages, vint seplacer dans sa loge tendue de pourpre, en face de celle où leRoi était couché à demi, derrière des rideaux verts qui le préservaientde l’éclat des flambeaux. Toute la cour était entasséedans les loges, et se leva lorsqu’il parut ; la musique <strong>com</strong>mençaune ouverture brillante, et l’on ouvrit le parterre à tous leshommes de la ville et de l’armée qui se présentèrent. Troisflots impétueux de spectateurs s’y précipitèrent, et le remplirenten un instant ; ils étaient debout et tellement pressés,que le mouvement d’un bras suffisait pour causer sur toute lafoule le balancement d’un champ de blé. On vit tel homme dontla tête décrivait ainsi un cercle assez étendu, <strong>com</strong>me celle d’un<strong>com</strong>pas, sans que ses pieds eussent quitté le point où ilsétaient fixés, et on emporta quelques jeunes gens évanouis. Leministre, contre sa coutume, avança sa tête décharnée hors desa tribune, et salua l’assemblée d’un air qui voulait être gracieux.Cette grimace n’obtint de réponse qu’aux loges, le parterrefut silencieux. Richelieu avait voulu montrer qu’il ne craignaitpas le jugement public pour son ouvrage et avait permisque l’on introduisît sans choix tous ceux qui se présenteraient.Il <strong>com</strong>mençait à s’en repentir, mais trop tard. En effet, cetteimpartiale assemblée fut aussi froide que la tragédie-pastoralel’était elle-même ; en vain les bergères du théâtre, couvertesde pierreries, exhaussées sur des talons rouges, portant dubout des doigts des houlettes ornées de rubans, et suspendantdes guirlandes de fleurs sur leurs robes que soulevaient lesvertugadins, se mouraient d’amour en longue tirade de deuxcents vers langoureux ; en vain des amants parfaits (car c’étaitle beau idéal de l’époque) se laissaient dépérir de faim dans unantre solitaire, et déploraient leur mort avec emphase, en attachantà leurs cheveux des rubans de la couleur favorite de leurbelle ; en vain les femmes de la cour donnaient des signes deravissement, penchées au bord de leurs loges, et tentaientmême l’évanouissement le plus flatteur : le morne parterre ne348

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