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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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L’amour du peuple se réveillait aussi pour le fils d’Henry IV ;on courait dans les églises, on priait, et même on pleuraitbeaucoup. Les princes malheureux sont toujours aimés. La mélancoliede <strong>Louis</strong> et sa douleur mystérieuse intéressaient toutela France, et, vivant encore, on le regrettait déjà, <strong>com</strong>me sichacun eût désiré de recevoir la confidence de ses peinesavant qu’il n’emportât avec lui le grand secret de ce quesouffrent ces hommes placés si haut, qu’ils ne voient dans leuravenir que leur tombe.Le Roi, voulant rassurer la nation entière, fit annoncer le rétablissementmomentané de sa santé, et voulut que la cour sepréparât à une grande partie de chasse donnée à Chambord,domaine royal où son frère, le duc d’Orléans, le priait derevenir.Ce beau séjour était la retraite favorite du Roi, sans douteparce que, en harmonie avec sa personne, il unissait <strong>com</strong>meelle la grandeur à la tristesse. Souvent il y passait des mois entierssans voir qui que ce fût, lisant et relisant sans cesse despapiers mystérieux, écrivant des choses inconnues, qu’il enfermaitdans un coffre de fer dont lui seul avait le secret. Il seplaisait quelquefois à n’être servi que par un seul domestique,à s’oublier ainsi lui-même par l’absence de sa suite, et à vivrependant plusieurs jours <strong>com</strong>me un homme pauvre ou <strong>com</strong>meun citoyen exilé, aimant à se figurer la misère ou la persécutionpour respirer de la royauté. Un autre jour, changeant toutà coup de pensée, il voulait vivre dans une solitude plus absolue; et, lorsqu’il avait interdit son approche à tout être humain,revêtu de l’habit d’un moine, il courait s’enfermer dansla chapelle voûtée ; là, relisant la vie de Charles-Quint, il secroyait à Saint-Just, et chantait sur lui-même cette messe de lamort qui, dit-on, la fit descendre autrefois sur la tête de l’empereurespagnol. Mais, au milieu de ces chants et de ces méditationsmêmes, son faible esprit était poursuivi et distrait pardes images contraires. Jamais le monde et la vie ne lui avaientparu plus beaux que dans la solitude et près de la tombe. Entreses yeux et les pages qu’il s’efforçait de lire, passaient debrillants cortèges, des armées victorieuses, des peuples transportésd’amour ; il se voyait puissant, <strong>com</strong>battant, triomphateur,adoré ; et, si un rayon du soleil, échappé des vitraux, venaità tomber sur lui, se levant tout à coup du pied de l’autel, il225

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