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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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D’Effiat n’avait pas cessé d’observer Marie de Mantoue, dontla physionomie expressive peignait pour lui toutes ses idéesplus rapidement et aussi sûrement que la parole ; il y lut le désirde l’entendre parler, l’intention de faire déciderMONSIEUR et la Reine ; un mouvement d’impatience de sonpied lui donna l’ordre d’en finir et de régler enfin toute la<strong>conjuration</strong>. Son front devint pâle et plus pensif ; il se recueillitun moment, car il sentait que là étaient toutes ses destinées.De Thou le regarda et frémit, parce, qu’il le connaissait ; il eûtvoulu lui dire un mot, un seul mot ; mais <strong>Cinq</strong>-<strong>Mars</strong> avait déjàrelevé la tête et parla ainsi :– Je ne crois point, madame, que le Roi soit aussi maladequ’on vous l’a pu dire ; Dieu nous conservera longtemps encorece prince, je l’espère, j’en suis certain même. Il souffre, il estvrai, il souffre beaucoup ; mais son âme surtout est malade, etd’un mal que rien ne peut guérir, d’un mal que l’on ne souhaiteraitpas à son plus grand ennemi et qui le ferait plaindre detout l’univers si on le connaissait. Cependant la fin de ses malheurs,je veux dire de sa vie, ne lui sera pas donnée encore delongtemps. Sa langueur est toute morale ; il se fait dans soncœur une grande révolution ; il voudrait l’ac<strong>com</strong>plir et ne lepeut pas : il a senti depuis longues années s’amasser en lui lesgermes d’une juste haine contre un homme auquel il croit devoirde la reconnaissance, et c’est ce <strong>com</strong>bat intérieur entre sabonté et sa colère qui le dévore. Chaque année qui s’est écouléea déposé à ses pieds, d’un côté les travaux de cet homme,et de l’autre ses crimes. Voici qu’aujourd’hui ceux-ci l’emportentdans la balance ; le Roi voit et s’indigne : il veut punir ;mais tout à coup il s’arrête et le pleure d’avance. Si vous pouviezle contempler ainsi, madame, il vous ferait pitié. Je l’ai vusaisir la plume qui devait tracer son exil, la noircir d’une mainhardie, et s’en servir, pourquoi ? Pour le féliciter par unelettre. Alors il s’applaudit de sa bonté <strong>com</strong>me chrétien ; il semaudit <strong>com</strong>me juge souverain ; il se méprise <strong>com</strong>me Roi ; ilcherche un refuge dans la prière et se plonge dans les méditationsde l’avenir ; mais il se lève épouvanté, parce qu’il a entrevules flammes que mérite cet homme, et que personne ne saitaussi bien que lui les secrets de sa damnation. Il faut l’entendreen cet instant s’accuser d’une coupable faiblesse ets’écrier qu’il sera puni lui-même de n’avoir pas su le punir ! On211

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