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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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<strong>Cinq</strong>-<strong>Mars</strong>, les yeux fixés sur ceux de Bassompierre, <strong>com</strong>mepour se contraindre lui-même à faire attention à ses discours,lui demanda quelle était la manière de parler du feu roi.– Vive et franche, dit-il. Quelque temps après mon arrivée enFrance, je jouais avec lui et la duchesse de Beaufort à Fontainebleau; car il voulait, disait-il, me gagner mes pièces d’or etmes belles portugaises. Il me demanda ce qui m’avait fait venirdans ce pays. « Ma foi, sire, lui dis-je franchement, je ne suispoint venu à dessein de m’embarquer à votre service, maisbien pour passer quelque temps à votre cour, et de là à celled’Espagne ; mais vous m’avez tellement charmé, que, sans allerplus loin, si vous vouiez de mon service, je m’y voue jusqu’àla mort. » Alors il m’embrassa, et m’assura que je n’eusse putrouver un meilleur maître, qui m’aimât plus ; hélas !… je l’aibien éprouvé… et moi je lui ai tout sacrifié, jusqu’à mon amour,et j’aurais fait plus encore, s’il se pouvait faire plus que de renoncerà M lle de Montmorency.Le bon maréchal avait les yeux attendris ; mais le jeune marquisd’Effiat et les Italiens, se regardant, ne purent s’empêcherde sourire en pensant qu’alors la princesse de Condé n’étaitrien moins que jeune et jolie. <strong>Cinq</strong>-<strong>Mars</strong> s’aperçut de cessignes d’intelligence, et rit aussi, mais d’un rire amer. – Est-ildonc vrai, se disait-il, que les passions puissent avoir la destinéedes modes, et que peu d’années puissent frapper du mêmeridicule un habit et un amour ? Heureux celui qui ne survit pasà sa jeunesse, à ses illusions, et qui emporte dans la tombe toutson trésor !Mais, rompant encore avec effort le cours mélancolique deses idées, et voulant que le bon maréchal ne lût rien de déplaisantsur le visage de ses hôtes :– On parlait donc alors avec beaucoup de liberté au roiHenry ? dit-il. Peut-être aussi au <strong>com</strong>mencement de son règneavait-il besoin d’établir ce ton-là ; mais, lorsqu’il fut le maître,changea-t-il ?– Jamais, non, jamais notre grand roi ne cessa d’être le mêmejusqu’au dernier jour ; il ne rougissait pas d’être un homme, etparlait à des hommes avec force et sensibilité. Eh ! mon Dieu !je le vois encore embrassant le duc de Guise en carrosse, lejour même de sa mort ; il m’avait fait une de ses spirituellesplaisanteries, et le duc lui dit : « Vous êtes à mon gré un des21

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