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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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tenir éternellement séparé de moi ; il veut achever dem’humilier.– Mais cependant le Roi ne l’aime plus depuis deux ans ; c’estun autre qu’il aime.La Reine sourit ; elle contempla quelques instants en silenceles traits naïfs et purs de la belle Marie, et son regard plein decandeur qui se levait sur elle languissamment ; elle écarta lesboucles noires qui voilaient ce beau front, et parut reposer sesyeux et son âme en voyant cette innocence ravissante expriméesur un visage si beau ; elle baisa sa joue et reprit :– Tu ne soupçonnes pas, pauvre ange, une triste vérité ; c’estque le Roi n’aime personne, et que ceux qui paraissent le plusen faveur sont les plus près d’être abandonnés par lui et jetés àcelui qui engloutit et dévore tout.– Ah ! mon Dieu ! que me dites-vous ?– Sais-tu <strong>com</strong>bien il en a perdu ? poursuivit la Reine d’unevoix plus basse et regardant ses yeux <strong>com</strong>me pour y lire toutesa pensée et y faire entrer la sienne ; sais-tu la fin de ses favoris? T’a-t-on conté l’exil de Baradas, celui de Saint-Simon, lecouvent de M lle de La Fayette, la honte de M me de Hautefort,la mort de M. de Chalais, un enfant, le plus jeune et le premierde tous ceux qui furent suppliciés, proscrits ou emprisonnés,tous ont disparu <strong>sous</strong> son souffle, par un seul ordre de Richelieuà son maître, et, sans cette faveur que tu prends pour del’amitié, leur vie eût été paisible ; mais cette faveur est mortelle,c’est un poison. Tiens, vois cette tapisserie qui représenteSémélé ; les favoris de <strong>Louis</strong> <strong>XIII</strong> ressemblent à cettefemme : son attachement dévore <strong>com</strong>me ce feu qui l’éblouit etla brûle.Mais la jeune duchesse n’était plus en état d’entendre laReine ; elle continuait à fixer sur elle de grands yeux noirs,qu’un voile de larmes obscurcissait ; ses mains tremblaientdans celles d’Anne d’Autriche, et une agitation convulsive faisaitfrémir ses lèvres.– Je suis bien cruelle, n’est-ce pas, Marie ? poursuivit laReine avec une voix d’une douceur extrême et en la caressant<strong>com</strong>me un enfant dont on veut tirer un aveu ; oh ! oui, sansdoute, je suis bien méchante, notre cœur est bien gros ; vousn’en pouvez plus, mon enfant. Allons, parlez-moi ; où en êtesvousavec M. de <strong>Cinq</strong>-<strong>Mars</strong>.189

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