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Cinq-Mars (Une conjuration sous Louis XIII) - Lecteurs.com

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Cependant son jeune maître était accablé de fatigue. Lesémotions violentes de la journée avaient remué profondémentson âme ; et ce long voyage à cheval, ces deux derniers jourspresque sans nourriture, à cause des événements précipités, lachaleur du soleil, le froid glacial de la nuit, tout contribuait àaugmenter son malaise, à briser son corps délicat. Pendanttrois heures il marcha en silence devant ses gens, sans que lalumière qu’il avait vue à l’horizon parût s’approcher ; il finitpar ne plus la suivre des yeux, et sa tête, devenue plus pesante,tomba sur sa poitrine ; il abandonna les rênes à son chevalfatigué, qui suivit de lui-même la grand’route, et, croisantles bras, il se laissa bercer par le mouvement monotone de son<strong>com</strong>pagnon de voyage, qui buttait souvent contre de groscailloux jetés par les chemins. La pluie avait cessé, ainsi que lavoix des domestiques, dont les chevaux suivaient à la file celuidu maître. Ce jeune homme s’abandonna librement à l’amertumede ses pensées ; il se demanda si le but éclatant de sesespérances ne le fuirait pas dans l’avenir et de jour en jour,<strong>com</strong>me cette lumière phosphorique le fuyait dans l’horizon depas en pas. Était-il probable que cette jeune princesse, rappeléepresque de force à la cour galante d’Anne d’Autriche, refusâttoujours les mains, peut-être royales, qui lui seraient offertes? Quelle apparence qu’elle se résignât à renoncer autrône pour attendre qu’un caprice de la fortune vînt réaliserdes espérances romanesques et saisir un adolescent presquedans les derniers rangs de l’armée, pour le porter à une telleélévation avant que l’âge de l’amour fût passé ! Qui l’assuraitque les vœux mêmes de Marie de Gonzague eussent été biensincères ? – Hélas ! se disait-il, peut-être est-elle parvenue às’étourdir elle-même sur ses propres sentiments ; la solitude dela campagne avait préparé son âme à recevoir des impressionsprofondes. J’ai paru, elle a cru que j’étais celui qu’elle avait rêvé; notre âge et mon amour ont fait le reste. Mais lorsqu’à lacour elle aura mieux appris, par l’intimité de la Reine, àcontempler de bien haut les grandeurs auxquelles j’aspire, etque je ne vois encore que de bien bas ; quand elle se verra toutà coup en possession de tout son avenir, et qu’elle mesurerad’un coup d’œil sûr le chemin qu’il me faut faire ; quand elleentendra, autour d’elle, prononcer des serments semblablesaux miens par des voix qui n’auraient qu’un mot à dire pour me74

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