jouée par une guitare ou un banjo. Ce n’est pas <strong>ce</strong> à quoi on s’attendrait chez des Altruistes, où tout esttoujours silencieux, peu importe le nombre de personnes rassemblées. Les voix, les rires et la musiqueinsufflent de la vie entre les murs tristes. La pierre dans mon ventre se réch<strong>au</strong>ffe encore un peu.Je me tiens dans l’encadrement de la porte du salon. Entassées sur le canapé trop petit pour elles, cinqpersonnes jouent à un jeu de cartes que j’ai déjà observé chez les Sincères. Un homme est installé dans unf<strong>au</strong>teuil avec une femme sur les genoux, et une <strong>au</strong>tre est perchée sur l’accoudoir, une boîte de soupe à lamain. Tobias est assis par terre, adossé à la table basse. Tout dans sa posture dénote la décontraction :une jambe allongée et l’<strong>au</strong>tre repliée, un bras négligemment posé sur son genou, la tête penchée sur lecôté pour écouter. Je crois que je ne l’ai jamais vu <strong>au</strong>ssi détendu. Je n’<strong>au</strong>rais pas cru que c’était possible.J’éprouve le même pin<strong>ce</strong>ment <strong>au</strong> cœur que lorsque je découvre qu’on m’a menti, si <strong>ce</strong> n’est que là, jene sais pas qui m’a menti, ni sur quoi précisément. En tout cas, <strong>ce</strong> que j’observe ne colle pas avec <strong>ce</strong>qu’on nous raconte sur la vie des sans-faction. On m’a toujours dit que c’était pire que la mort.Les gens mettent un petit moment à s’aper<strong>ce</strong>voir de ma présen<strong>ce</strong>. Les conversations s’éteignent.J’essuie mes mains moites sur ma chemise. Trop de regards, et trop de silen<strong>ce</strong>.Evelyn s’éclaircit la gorge.– Je vous présente Beatri<strong>ce</strong> Prior, annon<strong>ce</strong>-t-elle à tout le groupe. Je pense que vous avez be<strong>au</strong>coupentendu parler d’elle, hier.– Et voici Christina, Uriah et Lynn, complète Tobias.Je lui suis reconnaissante d’essayer de détourner l’attention de ma personne, même si ça ne marchepas.Je reste collée <strong>au</strong> chambranle pendant quelques secondes, jusqu’à <strong>ce</strong> qu’un sans-faction assez âgé, <strong>au</strong>visage ridé et quadrillé de tatouages, prenne enfin la parole.– Tu n’étais pas <strong>ce</strong>nsée être morte ?Il y a quelques rires et je tente un sourire, qui sort faible et de travers.– Censée, appuyé-je.– Mais on est là pour empêcher Jeanine Matthews de parvenir à ses fins, intervient Tobias.Il se lève pour me tendre une boîte de petits pois, remplie non de petits pois, mais d’œufs brouillés.L’aluminium me réch<strong>au</strong>ffe les mains.Quand il se rassied, je m’installe à côté de lui et je commen<strong>ce</strong> à manger avec les doigts. Je n’ai pasfaim, mais comme je sais que je dois me nourrir, je mâche et j’avale. À la manière des sans-faction, jepasse les œufs à Christina avant de prendre une boîte de conserve de pêches <strong>au</strong> sirop des mains deTobias.– Pourquoi est-<strong>ce</strong> que tout le monde campe chez Marcus ? lui demandé-je.– Evelyn l’a fichu dehors. Elle a dit que c’était chez elle <strong>au</strong>ssi, qu’il en avait eu l’usage pendant desannées et que c’était son tour.Un sourire fend le visage de Tobias jusqu’<strong>au</strong>x oreilles.– Ça a déclenché une engueulade monstre sur la pelouse, conclut-il, mais elle a fini par gagner.Je glisse un coup d’œil en coin vers Evelyn à l’<strong>au</strong>tre bout de la piè<strong>ce</strong>. Elle est en train de parler avecPeter en mangeant des œufs. Mon estomac se retourne. Tobias parle d’elle sur un ton presque déférent.Mais je n’oublie pas <strong>ce</strong> qu’elle m’a dit à propos de mon passage éphémère dans la vie de son fils.– Il y a du pain quelque part, m’informe-t-il.Il prend un panier sur la table basse et me le tend.– Prends-en deux mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x. Tu en as besoin.Tout en mâchant, je regarde de nouve<strong>au</strong> Evelyn et Peter.– Je crois qu’elle essaie de le recruter, reprend Tobias. Elle a l’art de présenter le mode de vie dessans-faction comme idyllique.– Tout pourvu que Peter ne reste pas chez les Audacieux, commenté-je. Qu’il m’ait s<strong>au</strong>vé la vie ou non,
je ne l’aime pas.– Avec un peu de chan<strong>ce</strong>, quand tout ça sera fini, on ne se préoccupera plus des distinctions entrefactions. Ce serait bien, non ?Je ne réponds pas. Je n’ai pas envie de me disputer avec lui ici. Ni de lui rappeler qu’il ne va pas êtrefacile de persuader les Audacieux et les Sincères de se rallier <strong>au</strong>x sans-faction et à leur croisade contrele système en pla<strong>ce</strong>. Ça pourrait bien exiger une nouvelle guerre.La porte d’entrée s’ouvre sur Edward. Aujourd’hui, il porte un bande<strong>au</strong> sur lequel est dessiné un grosœil bleu, à la p<strong>au</strong>pière à demi fermée. L’effet de <strong>ce</strong>t œil géant sur ses traits réguliers est à la fois drôle etgrotesque.– Eddie ! s’écrie quelqu’un pour le saluer.Mais déjà, l’œil valide d’Edward s’est posé sur Peter. Il traverse la piè<strong>ce</strong> en manquant faire tomberune boîte de conserve d’une main. Peter s’enfon<strong>ce</strong> dans l’ombre de la porte comme s’il voulait ydisparaître. S’arrêtant à quelques <strong>ce</strong>ntimètres de lui, Edward projette brusquement le torse en avant,comme pour le frapper. Peter tressaille si violemment qu’il se cogne la tête contre le mur. Edward arboreun grand sourire et, tout <strong>au</strong>tour de nous, les sans-faction rient.– On est moins courageux en plein jour, commente Edward. Évite de lui confier des ustensiles decuisine, ajoute-t-il à l’adresse d’Evelyn. On ne sait jamais <strong>ce</strong> qu’il peut faire avec.Tout en parlant, il arrache la fourchette des mains de son ennemi.– Rends-moi ça, dit Peter.Edward lui bloque la gorge d’une main et appuie les dents de la fourchette juste <strong>au</strong>-dessus de sapomme d’Adam. Peter se fige, écarlate.– Évite de l’ouvrir en ma présen<strong>ce</strong>, gronde Edward d’une voix sourde. Ou je pourrais recommen<strong>ce</strong>r,s<strong>au</strong>f que la prochaine fois, je te plante la fourchette dans l’œsophage.– Ça suffit, s’interpose Evelyn.Edward lâche la fourchette, libère Peter et retraverse la piè<strong>ce</strong> pour aller s’asseoir à côté de <strong>ce</strong>lui quil’a interpellé à son arrivée.– Je ne sais pas si tu es <strong>au</strong> courant, me chuchote Tobias, mais Edward est un peu instable.– C’est <strong>ce</strong> que je vois.– Ce mec, là, Drew, qui a aidé Peter lors de l’attaque <strong>au</strong> coute<strong>au</strong> à beurre… Apparemment, quand il aété viré de chez les Audacieux, il a essayé d’entrer dans le groupe de sans-faction dont Edward faisaitpartie. Or je ne vois Drew nulle part.– Edward l’a tué ?– Pas loin, me confirme Tobias. Et c’est clairement pour ça que l’<strong>au</strong>tre transfert – je crois qu’elles’appelait Myra – a quitté Edward. Ç’a été trop pour elle.Je sens comme un creux dans mon ventre à l’idée de Drew massacré par Edward. Moi <strong>au</strong>ssi, il m’aattaquée.– Je n’ai pas très envie de parler de ça, dis-je.– OK, répond Tobias en me touchant l’ép<strong>au</strong>le. Ce n’est pas trop dur pour toi de te retrouver dans lamaison d’un Altruiste ? Je voulais te poser la question avant. On peut aller ailleurs, si tu préfères.Je finis mon deuxième bout de pain. Les maisons des Altruistes étant toutes identiques, <strong>ce</strong> salon est laréplique exacte de <strong>ce</strong>lui de mes parents, et le fait est que ça fait resurgir des souvenirs, si j’observe bienla piè<strong>ce</strong>. La lumière qui filtre à travers les volets le matin, suffisante pour permettre à mon père de lire.Le cliquetis des aiguilles à tricoter de ma mère le soir. Mais je respire normalement. C’est un début.– C’est un peu dur, avoué-je. Mais pas <strong>au</strong>tant qu’on pourrait le croire.Il me regarde d’un air dubitatif.– Je t’assure. Les simulations <strong>au</strong> siège des Érudits… elles m’ont aidée, dans un sens. À m’accrocher,je dirais.
- Page 2 and 3:
Divergente2Veronica RothTraduit de
- Page 4 and 5:
À Nelson, qui méritait qu’on pr
- Page 6 and 7:
SommaireCouvertureCopyrightSommaire
- Page 8:
CHAPITRE UNJe m’éveille avec son
- Page 14 and 15:
souvenir de mon esprit. Si je me me
- Page 16 and 17:
un cercle avec Johanna et se metten
- Page 18 and 19:
- La dernière fois que j’ai conf
- Page 20 and 21:
peu à peu en un rictus amer, celui
- Page 22 and 23:
chemise grise et la coupe de cheveu
- Page 24 and 25:
Il a l’air calme, mais la tension
- Page 26 and 27:
- Bien, dis-je, la gorge nouée. Da
- Page 28 and 29:
quand il me touche comme s’il ne
- Page 30 and 31:
- Je ne te demande pas de comprendr
- Page 32 and 33:
sentez comment ?- Le vertige est un
- Page 34 and 35:
- Ça explique, reprend-il entre se
- Page 36 and 37:
Fraternels, ce sont sans doute des
- Page 38 and 39:
Il fronce le nez.- C’est tout ce
- Page 40 and 41:
L’Audacieuse qui arrive le repèr
- Page 42 and 43:
- Ça n’arrivera plus, répété-
- Page 44 and 45:
Le sans-faction au pistolet me rapp
- Page 46 and 47:
Des gens qui boivent de l’eau au
- Page 48 and 49:
- Evelyn, l’interrompt-il. J’ai
- Page 50 and 51:
- Certaines rumeurs prétendent que
- Page 52 and 53:
- Je t’interdis de t’excuser, l
- Page 54 and 55:
- J’ai fini. Tu peux me passer la
- Page 56 and 57:
- C’est parti, dit-il.Je ne vois
- Page 58 and 59:
CHAPITRE ONZEIls nous encerclent ma
- Page 60 and 61:
En début d’après-midi, un group
- Page 62 and 63:
- Je m’appelle Niles, nous dit-il
- Page 64 and 65:
enfance s’il ne l’a pas décid
- Page 66 and 67:
- Tu la connaissais déjà ?- Oui.-
- Page 68 and 69:
Ma réponse m’étonne moi-même
- Page 70 and 71:
CHAPITRE TREIZEJe me lève de ma ch
- Page 72 and 73:
essayer de me tuer -, puis celle de
- Page 74 and 75:
apidement qu’elle va me briser en
- Page 76 and 77:
mental, réplique Lynn en lui enfon
- Page 78 and 79:
traînent, assemblés par petits gr
- Page 80 and 81:
tiennent dehors sur le trottoir, ar
- Page 82 and 83:
ôte la sienne, d’abord le bras g
- Page 84 and 85:
emarquablement à masquer sa douleu
- Page 86 and 87:
CHAPITRE SEIZEJe déplace une main
- Page 88 and 89:
CHAPITRE DIX-SEPTVoici l’histoire
- Page 90 and 91:
Je passe la nuit debout, à retirer
- Page 92 and 93:
de leurs données. Ma mère m’a d
- Page 94 and 95:
Je devenais dingue chez les Fratern
- Page 96 and 97:
- Cho-choootte, chantonne Marlene.-
- Page 98 and 99:
le toit. La salle s’assombrit, co
- Page 100 and 101:
CHAPITRE DIX-NEUFL’après-midi, j
- Page 102 and 103:
- C’est surtout parce qu’à la
- Page 104 and 105:
- Quoi ? fais-je.- Tu es une Diverg
- Page 106 and 107:
CHAPITRE VINGTIl est sept heures du
- Page 108 and 109:
En retournant à la cafétéria, je
- Page 110 and 111:
agarre contre les Érudits avec un
- Page 112 and 113:
cents mètres.J’attire le regard
- Page 114 and 115:
CHAPITRE VINGT-DEUXShauna est couch
- Page 116 and 117:
Ses yeux fuient les miens.- Je me d
- Page 118 and 119:
CHAPITRE VINGT-TROISMoins de dix se
- Page 120 and 121:
Il ne restait même pas assez d’A
- Page 122 and 123:
Cara m’a repérée et me saisit p
- Page 124 and 125: Le temps que la bagarre se calme, i
- Page 126 and 127: - Désolé, je ne peux pas rester,
- Page 128 and 129: de leurs connaissances.Je m’appr
- Page 130 and 131: CHAPITRE VINGT-SIXJe suis réveill
- Page 132 and 133: Non, en effet.C’est un avertissem
- Page 134 and 135: énergie.- C’est déjà fait, mur
- Page 136 and 137: mes pas.Je passe par hasard devant
- Page 138 and 139: CHAPITRE VINGT-HUITIl s’endort le
- Page 140 and 141: Je suis devant le siège des Érudi
- Page 142 and 143: CHAPITRE VINGT-NEUFJ’ai oublié m
- Page 144 and 145: - Je le savais en venant, dis-je. C
- Page 146 and 147: Peter reste sur mes talons, prêt
- Page 148 and 149: - Je crois qu’il est venu pour mo
- Page 150 and 151: egard noir et son rire se transform
- Page 152 and 153: CHAPITRE TRENTE ET UNCette nuit-là
- Page 154 and 155: incapable d’inventer de nouveaux
- Page 156 and 157: CHAPITRE TRENTE-DEUXÀ mon réveil,
- Page 158 and 159: c’est la date que s’est fixée
- Page 160 and 161: l’autre. Pas de nuances. Le monde
- Page 162 and 163: Et je lance en haussant la voix :-
- Page 164 and 165: serai honnête, généreuse et cour
- Page 166 and 167: importe.Parvenue au bout du couloir
- Page 168 and 169: Il est livide, presque jaune.J’ai
- Page 170 and 171: - Je ne veux pas être redevable à
- Page 172 and 173: - On va s’occuper de tes pieds, m
- Page 176 and 177: Je fronce les sourcils.- Ou peut-ê
- Page 178 and 179: étaient au courant ?- On ne vient
- Page 180 and 181: Malgré quelques cris de protestati
- Page 182 and 183: CHAPITRE TRENTE-NEUF- Parfait. T’
- Page 184 and 185: - Débile, tu disais ? lance-t-elle
- Page 186 and 187: Elle nous emmène au centre de la s
- Page 188 and 189: Johanna, les cheveux attachés, cro
- Page 190 and 191: CHAPITRE QUARANTELes érudits ont r
- Page 192 and 193: autres et s’en tenaient à concev
- Page 194 and 195: CHAPITRE QUARANTE ET UNLe temps qu
- Page 196 and 197: devant moi les Audacieux contrôlé
- Page 198 and 199: CHAPITRE QUARANTE-DEUXSur mes instr
- Page 200 and 201: - Oh, dit la femme. Cela ne semble
- Page 202 and 203: Sa voix tremble et son arme oscille
- Page 204 and 205: lampes. Leurs sanglots terrifiés r
- Page 206 and 207: CHAPITRE QUARANTE-QUATRELa pièce s
- Page 208 and 209: À peine ai-je décidé quelque cho
- Page 210 and 211: CHAPITRE QUARANTE-CINQCette fois, j
- Page 212 and 213: CHAPITRE QUARANTE-SIXAprès une pau
- Page 214 and 215: Peter tourne la tête et son regard
- Page 216 and 217: - Vous. Venez ici.La femme se lève
- Page 218 and 219: demande :- Rien d’autre ?- Non.-
- Page 220 and 221: éapparaît sur l’écran, derriè
- Page 222: Vous avez aimé DIVERGENTE ? Décou
- Page 225 and 226:
Depuis que le ciel s’est chargé
- Page 227 and 228:
Une bouffée de chaleur balaya le v
- Page 229 and 230:
CHAPITRE 12PEREGRINELe temps que Pe
- Page 231 and 232:
- Je t’ai sauvé la vie. Deux foi
- Page 233:
Ce livre numérique a été convert