98Hongrie1005656Le meilleur élève des néolibéraux et le maillon le plus faible de la crise0La Hongrie a été le premier pays d’Europe de l’Est à adopter <strong>les</strong> recettes <strong>du</strong> Fonds Monétaire99100999970 International en 1982. 100 Bien que son niveau ait été bien 100 plus élevé que celui 71 de ses voisins lors de sonadhésion à l’économie de marché, c’est aujourd’hui l’économie la plus faible de la région. Les raisonsde ce phénomène sont multip<strong>les</strong> et <strong>les</strong> conséquences en sont le va et vient <strong>du</strong> pays entre des émeutesIEG of Colombia = 75 BCI of Croatia = 98IEG of Croatia = 75socia<strong>les</strong> – si l’on ne change pas d’orientation – et l’effondrement total d’une économie très vulnérable.Le fantôme de l’extrémisme de droite guette dans l’ombre, nourri par le mécontentement populaire.100 100 100100 1001000951000ATTAC HONGRIEMatyas BenyikLa Hongrie a un système parlementaire monocaméraldominé par deux partis : le Parti socialiste hongroiset le parti de droite, l’Union civique hongroise.Les institutions démocratiques semblent solides etil est probable qu’el<strong>les</strong> continuent à l’être malgré<strong>les</strong> politiques imprudentes menées par <strong>les</strong> partis, larhétorique intolérante, la forte corruption et la radicalisationde la droite politique dont la cible sont <strong>les</strong>roms, population minoritaire. L’élite politique s’estconsacrée à la calomnie réciproque et elle est prêteà mettre en œuvre de nouvel<strong>les</strong> réformes suivant <strong>les</strong>impositions <strong>du</strong> Fonds monétaire international (FMI),mais la population résiste fermement, tel qu’en témoignentd’ailleurs <strong>les</strong> incidents ayant eu lieu suite àla réforme de l’assurance maladie 1 .Il n’y a pas eu de grandes nouveautés lors del’intervention <strong>du</strong> FMI en 2008. Cependant, ce quidiffère par rapport à d’autres crises c’est justement laréponse des Institutions financières internationa<strong>les</strong>(IFI) qui ont soutenu la stabilisation contre l’hystériesans précédent des finances privées transnationa<strong>les</strong>.Comme l’a signalé l’économiste hongrois LászlóAndor 2 , ancien membre <strong>du</strong> Conseil d’administrationde la Banque européenne pour la reconstruction etle développement : « l’un des objectifs explicites del’intervention des IFI est celui de prévenir l’escaladede la crise sociale pour protéger <strong>les</strong> structures desaffaires de l’économie hongroise, y compris le rô<strong>les</strong>ignificatif que certaines corporations hongroisesjouent au niveau régional » 3Vers mi-octobre 2008 on a annoncé un paquetde crédit de EUR 20.000 millions (environ USD1 Ce rapport a été préparé en février 2010. Lors des électionsparlementaires ayant eu lieu en avril, le Gouvernementsocialiste a été vaincu, le parti d’extrême droite Jobbik estdevenu plus fort et l’Union Civique Hongroise (Fidesz) aobtenu une victoire écrasante. Le nouveau Gouvernement apromis beaucoup de changements mais, une fois au pouvoir,il a continué l’agenda néolibéral et <strong>les</strong> instructions <strong>du</strong> FMI etde l’UE.2 En février 2010, László Andor est devenu le nouveauCommissaire de l’UE responsable de l’Emploi, des Affairessocia<strong>les</strong> et de l’inclusion.3 Lázló Andor, “Hungary in the Financial Crisis: A (Basket)Case Study,” Debatte: Journal of Contemporary Central andEastern Europe 17, Nº 3 (2009). Disponible sur : .Indice des Capacités de Base (ICB) 2010 Indice d’Equité de Genre (IEG) 2009100ICB = 98 94IEG = 70Enfants atteignantla cinquième annéed’école100 100Accouchements assurés par <strong>du</strong> Survivance jusqu’àpersonnel médical spécialisél’âge de 5 ans15.400 millions) basé principalement sur des recettesorthodoxes de stabilisation. À part l’aide à laHongrie, le paquet était un message pour l’ensemblede la région. Bien que la Hongrie ait été probablementle seul pays à adopter un ajustement procycliqueaussi important pendant cette période, le FMI a exigéau début une plus grande ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> déficit (enoctobre 2008). En avril 2009, lors de la prise de fonctions<strong>du</strong> nouveau Gouvernement, le FMI et l’Unioneurpéenne (UE) ont accepté d’augmenter l’objectif<strong>du</strong> déficit pour 2009 allant de 2,9 % à 3,9 % <strong>du</strong> PIB,pour atteindre 3,8 % en 2010 4 .Le meilleur élèveÀ la différence de la plupart des anciennes républiquessocialistes qui ont adhéré au FMI et à la Banquemondiale après 1989, la Hongrie a décidé son adhésionen 1982 et, par conséquent, elle a été capabled’avancer sur certaines réformes au niveau <strong>du</strong> marchén’ayant pas encore été mises en œuvre par sesvoisins. De ce fait, le pays est devenu l’élève modèle<strong>du</strong> néolibéralisme en Europe de l’Est. Malgré cela,la Hongrie n’a pas été capable de se libérer de sonénorme dette externe. La Hongrie s’est incorporéeau « nouveau système » avec la dette per capita laplus élevée, mais contrairement à la Pologne, le Gouvernementa décidé de ne pas appliquer de schémaspotentiels de ré<strong>du</strong>ction de la dette.Bien que la Hongrie ait été l’état le plus développéparmi <strong>les</strong> nouveaux membres de l’UE, il restele pays le plus vulnérable <strong>du</strong> point de vue financier.Au début de la période de transition, le rapport dette/PIB a augmenté au lieu de diminuer, et le rapport dedette, suivant <strong>les</strong> critères de Maastricht, s’est ré<strong>du</strong>it(à environ 51 %) grâce à une période extraordinaire4 Ibid.100099Activité économique1000Autonomisation96100 68100BCI of Hungary = 98 IEG of Hungary = 70É<strong>du</strong>cationd’investissements étrangers directs vers la fin desannées 1990 5 .Andor affirme qu’il « existe d’autres raisonspour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> la Hongrie a été le maillon le plusfaible de la région lors de la crise financière internationaleactuelle ». À partir <strong>du</strong> moment où le PIBn’a récupéré le niveau de 1989 qu’en 1999, dit-il,<strong>les</strong> gouvernements successifs ont fait appel à dessolutions financières risquées pour améliorer la sensationde bien-être. Un gouvernement a laissé librecours à d’imprudents schémas de subventions enfaveur des constructeurs et des acheteurs de logements; un autre a augmenté de 50 % <strong>les</strong> salaires<strong>du</strong> secteur public. En même temps, un programmeambitieux de construction routière a doté la Hongrie<strong>du</strong> meilleur réseau routier de la région, générant uneforte augmentation de la dette de l’État 6 .La politique monétaire, ainsi que la politiquefiscale, a frappé l’économie et a contribué à son inévitablefragilisation. Le paradigme de la cible d’inflation– n’ayant jamais été conçu pour des économies ré<strong>du</strong>ites,ouvertes et dépendantes <strong>du</strong> flux commercial,de l’investissement et des finances externes – a étéadopté par la Banque nationale de Hongrie, la MagyarNemzeti Bank (MNB) en 2001. La MNB n’a pas abandonnécette orthodoxie même si <strong>les</strong> banques centra<strong>les</strong><strong>du</strong> monde ont ré<strong>du</strong>it à plusieurs reprises <strong>les</strong>taux d’intérêt pour essayer d’éviter la récession lors<strong>du</strong> printemps 2008. Ce n’est qu’en juillet 2009 que la5 La dette suivant <strong>les</strong> critères de Maastricht est déterminéepar des procé<strong>du</strong>res de déficit excessif. Son rapport avec lePIB est l’un des critères pour <strong>les</strong>quels <strong>les</strong> finances publiquesdes États membres de l’UE sont évaluées. Consulter : L.Andor, “Hungary’s boomerang effect,” The Guardian, 29octobre 2008. Disponible sur : .6 Ibid.45100Rapports nationaux 114 <strong>Social</strong> <strong>Watch</strong>100
MNB a commencé la ré<strong>du</strong>ction des taux d’intérêt. Enjanvier 2010, le taux d’inflation a atteint 6,4 % alorsqu’en 2009 il était de 4,2 % 7 .De même, <strong>les</strong> mesures nécessaires pour ré<strong>du</strong>irela quantité de prêts en monnaie étrangère auxrésidents n’ont pas été prises, malgré l’opinion desobservateurs internationaux qui ont identifié la substitutionmonétaire excessive comme la source del’instabilité financière et de l’impossibilité de soutenirle florin. D’après Andor, la Hongrie a été le pays de larégion le plus affecté par la dette depuis la deuxièmemoitié des années 70. Voilà la raison pour laquellece pays a été la victime des deux plus grandes crisesfinancières des 30 dernières années. Et c’est aussipour cette raison que la Hongrie est redevenue lacible de fol<strong>les</strong> spéculations et de retraits de capitauxau début <strong>du</strong> mois d’octobre 2008, malgré la rigueurappliquée au budget depuis juin 2006 ayant abouti àaméliorer considérablement le bilan fiscal (de 10 %environ à près de 3 % <strong>du</strong> PIB) 8 . Andor affirme que« <strong>les</strong> mesures d’austérité de la période 2006-2008qui ont imposé d’énormes sacrifices sociaux et quiont été insuffisantes pour atténuer <strong>les</strong> erreurs descinq années précédentes en termes de possibilitésde croissance gâchées, n’ont pas non plus amélioré<strong>les</strong> conditions généra<strong>les</strong> puisque le niveau de la dette(comparée au PIB) ne s’est pas ré<strong>du</strong>it pendant lapériode d’application des mesures d’austérité ». 9En<strong>jeu</strong>xLa crise financière représente un en<strong>jeu</strong> complexepour la politique économique hongroise et pour lapolitique en général. Le Gouvernement doit actuellementfaire face à certains en<strong>jeu</strong>x importants, et pour<strong>les</strong> résoudre il doit :• À court terme, atténuer la chute de l’économie etassurer l’expansion de la liquidité.• À moyen terme, créer <strong>les</strong> conditions pour unecroissance économique plus dynamique.• À long terme, atteindre un consensus pour quele système financier hongrois devienne moinsextraverti, de façon à ré<strong>du</strong>ire la vulnérabilité del’économie ainsi que la possibilité de futurescrises similaires.Andor conclut en disant que : « la convergence dela zone Euro sera probablement au centre de ceprogramme, malgré <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> de la Grèce et del’Irlande qui mettent en évidence le fait que l’euro luimêmene suffit pas à sauver un pays de l’instabilitéfinancière si <strong>les</strong> déséquilibres fondamentaux ne sontpas éliminés ». 10Suivant l’Office central de Statistiques de Hongrie,en 2009 la quantité de personnes au chômageétait plus élevée de 28 % par rapport à 2008. Le tauxde chômage est passé de 7,9 % à 10,1 % sur un an.Le Gouvernement doit affronter plusieurs coûts <strong>du</strong>fait de la perte nette de 98.000 postes de travail :7 Ibid.8 Andor, “Hungary in the Financial Crisis: A (Basket) CaseStudy,” op. cit.9 Ibid.10 Ibid.moins de revenus, augmentation des frais pour l’assistancesociale, retraites anticipées et bénéfices <strong>du</strong>chômage. Outre <strong>les</strong> coûts supplémentaires pour lasociété en termes de services de santé, vandalismeet petite criminalité.Dans ce contexte, certaines mesures d’austérité<strong>du</strong> Gouvernement – qui vont affecter la plupart desprincipaux programmes sociaux – vont sans douteaggraver la situation de l’emploi. Pour ne donnerqu’un exemple : <strong>les</strong> restrictions budgétaires auxprogrammes d’intégration au marché <strong>du</strong> travail despersonnes handicapées mentalement et psychologiquementvont rendre plus difficile leur formation et,par conséquent, limiter leurs possibilités de trouverun emploi.Services publics et corruptionLa situation ne diffère pas beaucoup pour trois desprincipa<strong>les</strong> sociétés de transport public, la Sociétédes transports de Budapest, <strong>les</strong> chemins de ferde l’État et <strong>les</strong> lignes aériennes hongroises. À leurbanqueroute imminente et à leur impossibilité defonctionner sans l’apport de fonds externes, s’ajoute,dans le cas des deux dernières, la pire des gestionset des administrations corrompues. L’interruption del’aide financière serait désastreuse.Au niveau local, <strong>les</strong> municipalités se trouventdans des conditions similaires. Certaines se sont déclaréesinsolvab<strong>les</strong>, d’autres se sont vues forcées des’endetter pour pouvoir fournir <strong>les</strong> services de baseet d’autres ne peuvent déjà plus fournir <strong>les</strong> servicespar manque de fonds.De plus, malgré <strong>les</strong> efforts continus <strong>du</strong> Parlementpour donner un cadre légal permettant de luttercontre la corruption au plus haut niveau suivant <strong>les</strong>standards internationaux, rien n’a vraiment changédans ce sens 11 . Les enquêtes sur d’anciennes affairesn’ont pas trop avancé et de nouveaux cas apparaissentrégulièrement. Le fléau de la corruption est bienplus éten<strong>du</strong> en Hongrie que dans le reste des paysde l’UE.L’économieL’excessive dépendance des exportations est actuellementle principal problème de l’économie. Nonseulement aucune mesure visant à changer cettesituation n’a été prise mais en plus elle a été favoriséepar la valeur inusuelle et injustifiée <strong>du</strong> florin, lelaxisme fiscal et l’existence d’incitations à l’importation,tout ce qui va à l’encontre de la compétitivité dela pro<strong>du</strong>ction nationale.Les taux d’intérêt excessivement élevés représententun autre aspect complexe et insondable que lepays a été incapable de surmonter et qui rend difficile,voire impossible, la tâche pour lutter contre la criseéconomique. Dans ce sens, le FMI joue un rôle central.À chaque fois que le Gouvernement essaie de diminuer<strong>les</strong> taux d’intérêt, le florin s’affaiblit rapidementjusqu’à atteindre des niveaux alarmants qui obligentla MNB à augmenter une fois de plus <strong>les</strong> valeurs. Pour11 L’un des cas <strong>les</strong> plus notoires a impliqué le directeur dela MNB, et le Premier ministre actuel, Gordon Bajnai, quiont transféré une grande partie de leurs fortunes dans desparadis fiscaux.cette raison, l’économie hongroise a fonctionné commeun grand fonds de réserve pour <strong>les</strong> investisseursétrangers qui veulent obtenir de grands bénéfices, cequi n’est plus le cas dans leurs pays.La mise en place d’un certain contrôle sur <strong>les</strong>flux d’entrée et de sortie des capitaux étrangerspermet au Gouvernement d’éviter la spéculationmonétaire ainsi que l’augmentation excessive destaux d’intérêt. Cependant, ces mesures restrictivesde la liberté économique ont été traditionnellementinterdites par le FMI auquel le pays a <strong>du</strong> faire appelpour surmonter sa banqueroute 12 . La menaced’une soudaine dévaluation de la monnaie – dont <strong>les</strong>conséquences seraient désastreuses pour l’épargneet pour <strong>les</strong> valeurs immobilières et qui augmenteraitla pauvreté de manière dramatique – a mené le paysà une impasse.La stabilité des prix, essentielle pour une économieperformante, n’existe pas en Hongrie. Commeconséquence de l’inquiétante augmentation des tarifsd’électricité, de gaz naturel et de la baisse des revenus,beaucoup de famil<strong>les</strong> ne sont plus en mesurede payer ces services malgré <strong>les</strong> facilités de créditsoffertes par <strong>les</strong> entreprises de services publics quiessaient de continuer à fournir le service.Le risque <strong>du</strong> mécontentementL’énorme impopularité <strong>du</strong> Gouvernement socialisteactuel et la croissance rapide <strong>du</strong> sentiment anti-multinationalentre la population sont deux des conséquences<strong>les</strong> plus évidentes de cette situation 13 . Unéclatement social semble imminent à cause de lapression croissante dans chacun des secteurs de lasociété. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il y auraune mobilisation soudaine de la population pour obligerle Gouvernement à abandonner <strong>les</strong> directives <strong>du</strong>FMI et à intro<strong>du</strong>ire des réformes d’encouragementéconomique (<strong>les</strong> pays ayant imposé <strong>les</strong> recettes <strong>du</strong>FMI malgré <strong>les</strong> protestations, voire <strong>les</strong> soulèvementspopulaires, sont nombreux).Parmi <strong>les</strong> hongrois, l’insécurité économique amené d’une part, à l’apathie, et d’autre part à l’extrémisme,tel qu’en témoigne, par exemple, la croissance<strong>du</strong> parti de l’extrême droite Jobbik. Actuellement,la Hongrie assiste à l’apparition de groupes d’extrêmedroite et à une forte tendance au révisionnismehistorique qui rappelle avec nostalgie l’époque desmouvements fascistes et leurs symbo<strong>les</strong>.L’intolérance des groupes minoritaires et <strong>les</strong>tendances radica<strong>les</strong> de la droite se sont intensifiésdepuis 2006. Il y a eu des agressions contre <strong>les</strong> roms,y compris la mort de six personnes et plusieurs attaquesarmées. La Garde Hongroise – un mouvementnettement xénophobe, antisémite et anti-rom, avecdes liens étroits avec le Jobbik – recrute toujours desmembres et renforce son système d’autodéfensecontre ce qu’ils appellent la « criminalité rom » malgrésa dissolution et son interdiction décidée par laCour métropolitaine de Budapest en 2008. n12 Récemment, le FMI a reconnu <strong>les</strong> avantages d’un certaincontrôle <strong>du</strong> capital, mais cela ne va pas favoriser la Hongrie.13 Tout ne doit pas rester en mains privées. Voilà ce conceptexprimé clairement dans la ville de Pecs située dans le sud,où la municipalité a pris le contrôle des stations d’épurationdes eaux, en fermant la porte à la société française Suez.<strong>Social</strong> <strong>Watch</strong> 115 Hongrie