opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE
opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE
opera quae supersünt omnia. - ARCHIVE OUVERTE UNIGE
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
147 EPISTOLAE 3228—3229 148<br />
3228.<br />
CALVIN A LA DUCHESSE DE PERRARE.<br />
Elle lui a demandé un ministre, mais il se défis<br />
un peu de ses véritables dispositions et craint qu'en<br />
France elle ne soit pas plus libre de sa personne<br />
qu'à Ferrare.<br />
(Copies Bibl. de Genève. Vol. 107, fol. 127. Vol. 115«, fol.<br />
67. Berne F. 134. Ruchat VII. 378. Crottet Chron. N. 46.<br />
Bonnet II. 337. Trad. angl. IV. 121.)<br />
Ma Dame, combien que jay esté souvent requis<br />
et solicité de vostre part, je nay peu estre induit de<br />
vous envoyer l'home tel quon demandoit, ') craignant<br />
que ceux que men portoyent la parole ne savancassent<br />
par bon zèle outre vostre intention. Car ie<br />
navoye nulles lettres de vous pour me certifier si<br />
ainsi estoit ou non, et maintenant encore, Ma dame,<br />
ieusse bien désiré davoir quelque meilleure asseurance,<br />
à fin de vous escrire plus librement. Nompas<br />
que ie me défie du porteur, lequel ma donné<br />
asses bonnes enseignes pour monstrer qu'il estoit<br />
envoyé de par vous, mais vous saves, ma Dame,<br />
combien de gens pourroyent estre subornez pour<br />
tirer de moy choses qui vous tourneroyent a grande<br />
fascherie et regret.<br />
Quant au serment quon vous a contrainte de<br />
faire, 2 ) comme vous avez failli et offensé Dieu en le<br />
faisant, aussi nestes vous tenue de le garder, nomplus<br />
qu'un veu* de superstition. Vous savez, Ma<br />
Dame, que non seulement Herode n'est pas approuvé<br />
davoir trop bien observé le serment quil<br />
avoit fait à la volée, mais que cela luy est imputé<br />
à double condamnation. Ce que je dj, nompas pour<br />
vous importuner de m'escrire, mais afin que vous<br />
ne faciès scrupule en ce que Dieu laisse en vostre<br />
liberté, et dont il vous absout. le me seray acquité,<br />
Ma dame, de vous en avoir advertie.<br />
Du voyage lequel vous avez entreprins, 3 ) combien<br />
que la captivité en laquelle vous estes et aves<br />
esté par trop détenue, soit dure et pitoyable, toutesfois<br />
si fault il que ie vous declare, Ma Dame,<br />
que vous n'aures pas beaucoup gagné destre sortie<br />
3228.1) 11 paraît qu'eue avait demandé à Calvin im ministre<br />
protestant. Veuve depuis le 3. Octobre 1559 elle était alors<br />
sur le point de rentrer en France.<br />
2) Hercule d'Esté, à son lit de mort, avait exigé de sa<br />
femme le serment de ne plus entretenir de correspondance<br />
avec Calvin. Mss. de la Bibl. de Ferrare. (Bonnet.")<br />
3) ou plutôt projeté. Car elle ne quitta Ferrare que<br />
le 2. Sept. {Muratori, antich. Est. II. 405) avec une suite de<br />
300 personnes. Son fils, le duc Alphonse lui avait laissé le<br />
choix de rester à la cour comme catholique ou de partir. De<br />
Thou IL 830. Ex Italia in Galliam rel. eansa migraverat.<br />
dun abysme pour entrer en lautre. Car je ne voy<br />
pas en quoy ce changement puisse amender vostre<br />
condition. Le gouvernement auquel on pretend<br />
vous mesler est aujourdhuy si confus que tout le<br />
monde en crie a larme. Quand vous y series, et<br />
qu'on vous escoutast, ie croy bien, Ma dame, que<br />
les choses n'iroyent point du tout si mal. Mais ce<br />
n'est point ce quon cherche. On se veut couvrir<br />
de vostre nom pour nourrir le mal qui ne peult<br />
estre plus enduré. Or vous aller maintenant fourrer<br />
en telle confusion, c'est manifestement tenter<br />
Dieu. le desire vostre prospérité, Ma Dame, tant<br />
quil mest possible. Mais si la hautesse et grandeur<br />
du monde vous empesche dapprocher de Dieu, ie<br />
vous seroye traistre, vous faisant à croire que le<br />
noir est blanc. Si vous esties bien résolue de vous<br />
porter franchement, et en autre Magnanimité que<br />
n'aves fait jusqu'icy, *) je le prieroye de vous avancer<br />
bien tost en plus grand maniement quon ne<br />
vous présente. Mais si c'est pour dire Amen à<br />
tout ce qui est condamné de Dieu et des hommes,<br />
je ne say que dire sinon que vous gardies bien de<br />
tomber de fiebvre en chauld mal. Ce n'est pas à<br />
dire pourtant, Ma Dame, que je vous conseille de<br />
vous plus tenir en la servitude ou vous estes, ne<br />
vous y endormir, car c'est trop du passé. Seulement<br />
je vous prie de changer tellement que ce soit<br />
pour servir à Dieu à bon escient, et tendre au droit<br />
but, nomplus vous envelopper en des filets quil vous<br />
seroit difficile de rompre, et lesquels vous tiendroyent<br />
serrée autant ou plus que les premiers. Quoy quil<br />
en soit, c'est par trop languir, Ma Dame, et si vous<br />
n'aves pitié de vous, il est a craindre que vous ne<br />
cherchies trop tard remède à vostre mal. Oultre<br />
ce que Dieu vous a de long temps monstre par sa<br />
parole, laage vous avertit de penser que nostre heritage<br />
et repos éternel nest pas icy bas. Et Jesus<br />
Christ vaut bien de vous faire oublier tant France<br />
que Ferrare. Et Dieu par la viduité vous a rendue<br />
plus franche et libre, à fin de vous retenir du tout<br />
à soy. Je voudroye avoir le moyen de vous remonstrer<br />
de bouche ces choses plus a plein, et nompas<br />
pour un coup, mais de jour à aultre. Mais je<br />
vous en laisseray plus penser selon vostre prudence<br />
que je n'en ay escrit.<br />
Ma Dame, après mestre treshumblement recommandé<br />
à vostre bonne grace, je supplie nostre bon<br />
Dieu vous tenir en sa protection, vous gouverner<br />
par son esprit, et vous accroistre en tout bien. Ce<br />
5. juliet 1560.<br />
4) En France elle ne mérita pas ce blâme. A Montargis<br />
elle accorda sa protection à beaucoup de fugitifs (d'Aubigné,<br />
Bayle).