Yushardzan/Huschardzan

Schah Ahhas I, roi de Perse et l'emigration forc^e etc. 251
que l'armee turque marchait vers l'Armenie, schah Abbas retrograda de Kars et ordonna
aussitöt ä quelques uns de ses officiers d'emmener ä la häte en Perse la population des
districts dont il s'ctait empare. Le lieu fixe pour la concentration etait la plaine d'Ararat,
entre les montagnes de Karrni et les rives de l'Araxe. En plus d'un endroit, par exemple
ä Karrni, la population chretienne, juive, mahometane essaya de resister ä cet ordre
barbare. Mais, Emir Gouna etouffa ces velleites de resistance en faisant bätonner ou
meme mutiler plusieurs homines. II deploya la meme impitoyable rigueur contre certains
groupes d'Armeniens qui s'etaient enfuis et caches. Les eveques Manuel d'Havouts-Tharr,
Astovazatour de Keghard s'etaient refugies dans l'une de cavernes de la montagne qui
domine la vallee de Keghard. Sommes de venir se joindre aux autres emigrants, ils
repondirent par des invectives. Des soldats de l'emir parvinrent alors jusqu'ä eux et les
massacrerent avec leurs compagnons.
Un millier, environ, d'autres Armeniens s'etaient Caches dans la fameuse grotte de
lakhsh-Khan, de tres difficile acces au dessus de la vallee de Korr, faisant partie comme
la precedente, de la region de Karrni. Ces malheureux virent aussi des soldats armes
et cuirasses, descendre, au moyen de cordes jusqu'ä leur retraite. Beaucoup de ces
refugies furent egorges et preeipites dans l'abime. Des jeunes gens et des jeunes
filles, s'apercevant qu'on les reservait pour la captivite, et par consequent pour
l'apostasie et les autres graves abus que comporte la vie musulmane se jeterent
volontairement dans le preeipice beant devant eux; quelques uns, tombant sur les
arbres dont le fond du vallon etait seme, eurent les membres et les entrailles horriblement
perfores.
A mesure que les soldats perses arrachaient les habitants de leur demeure, ils
detruisaient tout ce qui ne pouvait etre empörte sur les betes de somme; anes, mulets,
chevaux et chameaux. Ils brulaient ou demolissaient les maisons, les forteresses aux blocs
enormes eimentes ä la chaux, souvent imprenables; ils renversaient les eglises aux
coupoles elevees, aux elegantes colonnes, aux murs en larges pierres taillees, assez
souvent ornees de fraiches peintures, de sculptures admirables. Les diverses troupes
d'emigrants furent vite reunies dans la plaine d'Etschmiadzin et durent aussitöt se mettre
en marche du cöte de Nakhtchivan, Djoulfa, etc. Schah Abbas, avec son armee, suivait
et pressait d'autant plus les emigrants, qu'il se sentait alors inferieur en forces aux Turcs
et redoutait d'etre poursuivi. Aussi, l'aiguillon de la peur ajoutant son excitation ä la
cruaute de maints farouches soldats, ceux-ci, pour terrifier la foule et accelerer ainsi sa
marche, couperent les oreilles ou le nez de quelques retardataires ou trancherent meme
la tete ä quelques autres, par exemple ä Iohandjan, frere du catholicos Araqel. La
traversee de l'Araxe fut particulierement douloureuse. Les bäteaux et les radeaux construits
ä la häte etaient trop peu nombreux, et parfois. trop surcharges, ils
chaviraient, livrant ä la mort ceux qui ne pouvaient se sauver ä la nage. II
y avait
aussi des soldats, des cavaliers surtout qui, profitant du desordre, s'emparaient de
quelque garcon ou de quelque jeune fille, sous pretexte de les sauver, et gardaient
ensuite leur proie.
Apres qu'on eut franchi l'Araxe, schah Abbas confia la conduite de la foule des
emigrants ä Khalifalou Elias soulthan K Pendant que le roi avec Emir Gouna et le gros
de l'armee allait hiverner ä Van, Elias soulthan s'aehemina, avec les emigrants, vers
Ispahan. II y arriva au printemps de 1605, apres avoir passe avec ses captifs les plus
rüdes mois de l'hiver dans la region de Tharoun-Khalkhal. Les habitants des villes furent
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Araqel de Tauris, L i v r e d H '
i s t o i r c s, eh. IV. trad. citee, p. 290.
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