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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 107fait, en somme, <strong>au</strong> Parlement, que secon<strong>de</strong>r l'action. <strong>Les</strong> syndicats réformistes,qui comptent quatre millions <strong>de</strong> membres, qui ont en main le personnel <strong>de</strong>sservices publics, <strong>de</strong>s cheminots, <strong>de</strong>s industries-clef, se sont, pendant la pério<strong>de</strong><strong>de</strong> h<strong>au</strong>te conjoncture, admirablement acquittés <strong>de</strong> leur tâche, à savoir aménagerle mieux possible la vie <strong>de</strong>s ouvriers dans le cadre du régime. Caisses <strong>de</strong>secours, bibliothèques, écoles, tout a été réalisé dans <strong>de</strong>s proportions grandioses,installé dans <strong>de</strong>s loc<strong>au</strong>x témoignant <strong>de</strong> la même folle prodigalité dontles capitalistes ont été saisis <strong>au</strong> même moment. Des organisations ainsimo<strong>de</strong>lées sur le développement <strong>de</strong> l'économie capitaliste dans ses pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong>stabilité apparente, se sont naturellement attachées à la force qui fait la stabilitédu régime, <strong>au</strong> pouvoir d'État. Aussi, se sont-elles, d'une part, liées à unparti parlementaire, et à un parti qui est allé jusqu'<strong>au</strong>x plus extrêmes concessionspour rester dans la majorité gouvernementale ; et, d'<strong>au</strong>tre part, elles sesont abritées <strong>de</strong>rrière la loi, acceptant le principe du « tarif », c'est-à-dire lescontrats <strong>de</strong> travail ayant force <strong>de</strong> loi et l'arbitrage obligatoire. La crise estvenue. <strong>Les</strong> capitalistes se sont abrités eux-mêmes <strong>de</strong>rrière le principe <strong>de</strong>starifs pour attaquer les salaires. Mais plus l'économie capitaliste a été secouéepar la crise, plus les organisations syndicales, qui, comme il arrive toujours,voient le but suprême dans leur propre développement, et non dans les servicesqu'elles peuvent rendre à la classe ouvrière, se sont réfugiées peureusement<strong>de</strong>rrière le seul élément <strong>de</strong> stabilité, le pouvoir d'État. Elles sont restées àpeu prés inertes : les syndiqués qui participaient <strong>au</strong>x grèves dites « s<strong>au</strong>vages »,c'est-à-dire non <strong>au</strong>torisées par les organisations, étaient exclus.Vint le 20 juillet, le coup d'État qui ôta brutalement à la social-démocratiece qui lui restait <strong>de</strong> pouvoir politique ; toujours même inertie. « C'est que,disaient ouvertement les fonctionnaires syndic<strong>au</strong>x, nous songeons avant tout<strong>au</strong> salut <strong>de</strong>s organisations ; or, la réaction politique ne les met pas en péril. Lecapitalisme lui-même, à l'état actuel <strong>de</strong> l'économie, a besoin <strong>de</strong>s syndicats. Lepéril hitlérien non plus n'existe pas ; Hitler ne pourrait prendre tout le pouvoirque par un coup d'État, qui ne se heurterait pas seulement à notre résistance,mais <strong>au</strong>ssi à celle <strong>de</strong> l'appareil gouvernemental. Le seul péril serait d'engagerles syndicats dans une lutte politique où l'État les briserait. » Il s'agit en somme,avant tout, d'éviter que s'engage une lutte qui poserait la question : révolutionou fascisme, - lutte qui aboutirait <strong>de</strong> toute manière à la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>sorganisations réformistes. Pour éviter qu'une telle lutte ne s'engage, et, si elles'engage, pour la briser, on peut s'attendre que les fonctionnaires <strong>de</strong> la socialdémocratieet <strong>de</strong>s syndicats ne reculeront <strong>de</strong>vant rien. Pour la même raison, ilsne veulent à <strong>au</strong>cun prix du front unique ; ils ont compris la leçon <strong>de</strong> 1917 etl'impru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> Kerensky. En fin <strong>de</strong> compte, le fascisme semble être moinsredoutable à leurs yeux que la révolution.<strong>Les</strong> ouvriers qui composent les syndicats réformistes n'ont pas, avec lerégime et l'État, les mêmes attaches indissolubles que leurs organisations.Quelques-uns, et surtout les vieux, suivent les syndicats réformistes et s'accrochent<strong>au</strong> régime ; mais, d'une manière générale, la crise, qui menace à chaqueinstant les ouvriers qu'elle n'a pas encore réduits <strong>au</strong> chômage, fait que lesouvriers ne peuvent plus avoir l'illusion d'être chez eux dans le régime. Ainsi,à mesure que les organisations réformistes, sous l'action <strong>de</strong> la crise, se rattachaient<strong>de</strong> plus en plus peureusement <strong>au</strong> régime, les ouvriers, sous l'influence<strong>de</strong> la même c<strong>au</strong>se, s'en détachaient <strong>de</strong> plus en plus. Le divorce entre lesorganisations et leurs membres est donc allé en s'accentuant. Depuis le 20

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