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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 121dier à cette faiblesse. Parmi les organisations qui groupent en si grand nombreles ouvriers allemands, y en a-t-il une qui y remédie en effet ?C'est là une question <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> mort, <strong>au</strong> sens le plus littéral, pour bien<strong>de</strong>s ouvriers allemands. Lénine, en octobre 1917, remarquait que les pério<strong>de</strong>srévolutionnaires sont celles où les masses inconscientes, tant qu'elles ne sontpas entraînées par l'action dans le sillage <strong>de</strong>s ouvriers conscients, absorbent leplus avi<strong>de</strong>ment les poisons contre-révolutionnaires. Le mouvement hitlérienen est un nouvel exemple. Et, en dépit <strong>de</strong>s défaites électorales, tant que lacrise durera et qu'un mouvement révolutionnaire n'<strong>au</strong>ra pas triomphé, les troupesd'ass<strong>au</strong>t hitlériennes <strong>de</strong>rrière lesquelles peut se trouver d'un jour à l'<strong>au</strong>trel'appareil d'État, constituent une menace permanente d'extermination pour lesmeilleurs ouvriers. Mais, même en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'éventualité d'une exterminationsystématique, la crise elle-même, pour peu qu'elle dure encore quelque temps,détruira <strong>de</strong>s générations d'ouvriers allemands, et plus particulièrement lesjeunes générations. Déjà, parmi ceux qui ont pu survivre à trois ou quatre ans<strong>de</strong> chômage, les moins résistants sont amoindris <strong>au</strong> moral et <strong>au</strong> physique parla misère et l'oisiveté. Il va falloir traverser un hiver peut-être rigoureux, sansfeu, sans repas ch<strong>au</strong>ds ; et après cet hiver peut-être un <strong>au</strong>tre encore. Ceux quin'y mourront pas y laisseront leur santé et leur force. Et la vie <strong>de</strong>s ouvriersallemands est d'importance vitale <strong>au</strong>ssi pour nous. Car, dans cette décomposition<strong>de</strong> l'économie capitaliste qui menace <strong>de</strong> détruire, sous une vague <strong>de</strong>réaction, les conquêtes <strong>de</strong>s ouvriers dans les pays démocratiques et peut-êtremême en U. R. S. S., notre plus grand espoir rési<strong>de</strong> dans cette classe ouvrièrealleman<strong>de</strong>, la plus mûre, la plus disciplinée, la plus cultivée du mon<strong>de</strong> ; et plusparticulièrement dans la jeunesse ouvrière d'Allemagne.Rien n'est plus écrasant que la vie <strong>de</strong> dépendance, d'oisiveté et <strong>de</strong>privations qui est faite <strong>au</strong>x jeunes ouvriers allemands ; et l'on ne peut rienimaginer <strong>de</strong> plus courageux, <strong>de</strong> plus luci<strong>de</strong>, <strong>de</strong> plus fraternel que les meilleursd'entre eux, en dépit <strong>de</strong> cette vie. Le vol, le crime, ont, malgré la misère, peu<strong>de</strong> prise en somme, l'agitation fasciste <strong>de</strong> son côté a relativement peu d'influencesur cette jeunesse. Ils ne cherchent pas à s'étourdir ; ils ne se plaignentpas ; ils résistent, dans cette situation sans espoir, à toutes les formes <strong>de</strong>désespoir. Ils cherchent en général avec plus ou moins d'énergie, et lesmeilleurs y arrivent pleinement, à se faire, dans la condition inhumaine où ilssont placés, une vie humaine. Ils n'ont pas <strong>de</strong> quoi manger à leur faim ; maisbe<strong>au</strong>coup se privent <strong>de</strong> ce qui est nécessaire à la vie pour se procurer ce qui larend digne d'être vécue. Ils trouvent quelques sous pour rester dans lesorganisations sportives qui les emmènent, garçons et filles, en ban<strong>de</strong>s, malgrétout joyeuses, <strong>au</strong>x forêts, <strong>au</strong>x lacs, se <strong>livre</strong>r <strong>au</strong>x joies saines et gratuites queprocurent l'e<strong>au</strong>, l'air, le soleil. Ils rognent sur la nourriture pour acheter <strong>de</strong>s<strong>livre</strong>s ; certains forment <strong>de</strong>s cercles d'étu<strong>de</strong>s où on lit les classiques dumouvement révolutionnaire, où on écrit, où on discute. Il n'est pas rare <strong>de</strong>trouver parmi eux <strong>de</strong>s esprits plus cultivés que certains bourgeois soi-disantinstruits <strong>de</strong> chez nous. Mais ce qui est plus frappant encore, c'est le <strong>de</strong>gré<strong>au</strong>quel cette jeunesse est consciente d'elle-même. Il n'y a en France que <strong>de</strong>sjeunes et <strong>de</strong>s vieux ; là-bas, il y a une jeunesse. Chez ces jeunes ouvrières <strong>au</strong>teint bronzé, chez ces jeunes ouvriers <strong>au</strong>x yeux fiévreux, <strong>au</strong>x joues creuses,que l'on voit arpenter les rues <strong>de</strong> Berlin, l'on sent à tous moments, sous latristesse comme sous l'insouciance apparente, un sérieux qui est le contrairedu désespoir, une pleine et continuelle conscience du sort tragique qui leur est

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