<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 136conséquence, les syndicats rouges sont restés squelettiques en face <strong>de</strong>s quatremillions d'adhérents <strong>de</strong>s syndicats réformistes; mais leur existence a suffi,d'une part, pour permettre <strong>au</strong>x réformistes <strong>de</strong> présenter les communistescomme étant, <strong>au</strong> même titre que les hitlériens, <strong>de</strong>s ennemis <strong>de</strong>s organisationssyndicales, d'<strong>au</strong>tre part, pour faire négliger <strong>au</strong>x militants la propagan<strong>de</strong> dansles syndicats social-démocrates. Bien plus, à un moment donné on a lancéouvertement le mot d'ordre : « Brisez les syndicats. » Bien que ce mot d'ordreait été abandonné, la crainte d'être accusés <strong>de</strong> revenir <strong>au</strong> mot d'ordre condamnépar les brandlériens (forcer les bonzes à lutter) a longtemps paralysé lesmilitants. Ce n'est que tout récemment qu'a pris fin cette négligence inouïe àl'égard <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> dans les syndicats réformistes. D'<strong>au</strong>tre part, <strong>au</strong>ssibien les groupements d'opposition que les syndicats rouges souffrent d'unrégime étouffant <strong>de</strong> dictature bure<strong>au</strong>cratique. Quant à l'organisation dans lesentreprises, il a longtemps régné à cet égard une indifférence inconcevable.En face <strong>de</strong> la social-démocratie, si puissamment implantée dans les entreprisespar son influence sur les ouvriers, en face du mouvement hitlérien qui, àcôté <strong>de</strong> ses adhérents ouvriers, bénéficie <strong>de</strong> l'appui secret ou avoué dupatronat, le parti communiste allemand se trouve <strong>au</strong> contraire sans liens avecla production. Il n'est pas étonnant que l'existence d'un tel parti ne suffise pas,par elle-même, à tourner les masses opprimées vers l'action révolutionnaire.Dès lors tout dépend <strong>de</strong> l'influence que le parti communiste allemand peutarriver à acquérir à l'intérieur <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>tres partis ; <strong>au</strong>trement dit il f<strong>au</strong>t,dans la pério<strong>de</strong> actuelle, juger le parti communiste allemand d'après ses relationsavec le mouvement hitlérien d'une part, la social-démocratie <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>tre.Comment le parti communiste allemand peut-il acquérir <strong>de</strong> l'influence <strong>au</strong>sein du mouvement hitlérien ? Toute tentative en ce sens doit être régléed'après cette vue que le parti communiste, même s'il amenait à lui tout ce qui,dans le mouvement hitlérien, se rattache <strong>au</strong> prolétariat, ne <strong>de</strong>viendrait pas <strong>de</strong>ce fait capable <strong>de</strong> remplir ses tâches révolutionnaires. D'une part l'adhésiond'ouvriers qui ont pu se laisser tromper par la démagogie fasciste ne serait pasprécisément <strong>de</strong> nature à relever le nive<strong>au</strong> politique du parti ; d'<strong>au</strong>tre part, dansle mouvement hitlérien, il n'y a, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s grands et petits bourgeois, <strong>de</strong>semployés <strong>de</strong> bure<strong>au</strong>, <strong>de</strong>s chômeurs, que quelques ouvriers <strong>de</strong>s entreprises, laplupart placés, il est vrai, <strong>au</strong>x points stratégiques <strong>de</strong> l'économie, mais trop peunombreux pour constituer par eux-mêmes une force considérable. Aucontraire, si le parti communiste pouvait attirer la confiance <strong>de</strong>s masses réformistesgroupées dans les entreprises, il acquerrait <strong>de</strong> ce fait une force presqueinvincible. Ainsi un accord partiel entre hitlériens et communistes, même s'ilpeut faciliter la propagan<strong>de</strong> communiste <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s ouvriers hitlériens, estéminemment dangereux s'il est susceptible d'éveiller la défiance <strong>de</strong>s ouvrierssocial-démocrates. Au reste la tactique <strong>de</strong>s accords partiels ne constitue pasune tactique efficace dans la lutte contre l'influence <strong>de</strong> Hitler. Car les chefshitlériens sont avant tout <strong>de</strong>s démagogues et <strong>de</strong>s aventuriers, et ne reculentpas, <strong>au</strong> besoin, <strong>de</strong>vant l'action illégale ; ainsi, dans telles circonstances déterminées,ils peuvent, à la différence <strong>de</strong>s chefs réformistes, non seulementlancer les mêmes mots d'ordre que le parti communiste, mais encore aller <strong>au</strong>moins <strong>au</strong>ssi loin que lui dans l'application. Au reste il va <strong>de</strong> soi que, dans unegrève par exemple, on ne peut refuser l'appui <strong>de</strong>s grévistes hitlériens ; mais,dans un cas semblable, il f<strong>au</strong>t faire gran<strong>de</strong> attention à ne rien faire qui puissedonner à cette unité d'action un caractère suspect <strong>au</strong>x yeux <strong>de</strong>s ouvriers social-
<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 137démocrates ; et il f<strong>au</strong>t s'efforcer par tous les moyens d'entraîner ceux-ci dansla lutte. En somme le parti communiste n'a pas d'<strong>au</strong>tre moyen, pour conquérirles ouvriers hitlériens sans éloigner les ouvriers social-démocrates, que <strong>de</strong>dénoncer impitoyablement <strong>au</strong>ssi bien les petites trahisons quotidiennes <strong>de</strong>schefs hitlériens que le caractère essentiellement réactionnaire <strong>de</strong> toute leurpolitique. Ou plutôt il y a à cet égard, pour le parti communiste, un <strong>au</strong>tremoyen encore plus efficace, c'est <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir véritablement fort. Mais c'est àquoi il ne peut arriver qu'en gagnant la confiance <strong>de</strong>s ouvriers réformistes.À l'égard <strong>de</strong> ceux-ci, la simple propagan<strong>de</strong> ne sert pas à grand-chose. Ilssentent bien, les jeunes surtout, que leurs chefs capitulent ; mais qu'il y ait une<strong>au</strong>tre issue, ils n'en sont point persuadés. Il est clair que sur ce point <strong>de</strong>simples paroles sont sans efficacité. On ne peut les convaincre qu'en leurfaisant sentir par l'expérience, dans l'action, la force que possè<strong>de</strong> la classeouvrière organisée. Et à cet effet, c'est eux-mêmes qu'il f<strong>au</strong>t amener à agir ;car le parti communiste est trop faible pour mener seul, avec succès, uneaction <strong>de</strong> quelque envergure. Il f<strong>au</strong>t donc qu'il organise le front unique en vued'objectifs limités, et mène la lutte assez bien pour inspirer <strong>au</strong>x ouvriers plus<strong>de</strong> confiance qu'ils n'en ont en eux-mêmes et en lui. <strong>Les</strong> chefs réformistes, ilest vrai, manœuvrent toujours pour empêcher un tel front unique ; et leursmanœuvres sont facilitées par l'isolement où se trouve le parti communiste.Celui-ci n'a qu'un moyen <strong>de</strong> déjouer ces manœuvres, c'est <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>sconcessions. Il y a une concession qu'il ne peut jamais faire, à savoir renoncerà son droit <strong>de</strong> critique. Mais il peut modérer le ton <strong>de</strong>s critiques, et renoncer àune violence peut-être légitime, mais en fait nuisible. Il peut, pour montrerqu'en dépit <strong>de</strong>s mots d'ordre qui lui ont été funestes, il n'est pas l'ennemi <strong>de</strong>sorganisations syndicales, suspendre le recrutement <strong>de</strong>s minuscules syndicatsrouges ou même <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la réintégration <strong>de</strong>s exclus. Il peut surtout adressertoutes les propositions <strong>de</strong> front unique, non seulement à la base, mais à tousles <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> la hiérarchie réformiste. Une telle tactique pourrait sans doute,en certains cas, contraindre les chefs réformistes à accepter le front unique ; entout cas elle leur rendrait be<strong>au</strong>coup plus difficile <strong>de</strong> le refuser sans sediscréditer <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s ouvriers qui les suivent.(L'École émancipée, 23 e année n° 18, 29 janvier 1933.)VIRetour à la table <strong>de</strong>s matièresLa politique du parti communiste allemand est en fait, jusqu'ici, exactementcontraire. Le seul moyen employé pour conquérir les ouvriers réformistes,c'est une propagan<strong>de</strong> purement verbale ; on prêche la révolution à <strong>de</strong>sgens qui se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt, non pas si elle est désirable, mais si elle est possible.On accuse les chefs réformistes <strong>de</strong> trahison ; or le parti communiste n'<strong>au</strong>rait ledroit d'apprécier ainsi la politique <strong>de</strong> capitulation <strong>de</strong>s social-démocrates que
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