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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 91IVRetour à la table <strong>de</strong>s matièresCher ami,Je continue à vous parler <strong>de</strong> Richelieu, puisque cela vous passionne commemoi. Il ne <strong>livre</strong> pas le secret <strong>de</strong> sa domination sur le roi ; il ne <strong>livre</strong>d'ailleurs <strong>au</strong>cun secret, mais il permet d'en <strong>de</strong>viner à qui est attentif à lire entreles lignes. Je ne crois pas que cette domination ait été si difficile que lapostérité l'a cru. Luynes, qui était un homme ordinaire, et qu'il dépeint comme<strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssous du médiocre - il est vrai qu'il le haïssait - l'a exercée sans lamoindre difficulté jusqu'à sa mort, et si son pouvoir, qui était absolu, n'a duréque quatre ans, nul ne peut dire combien il <strong>au</strong>rait duré si la mort n'était venuel'interrompre. Un ressort secret jouait infailliblement entre les mains <strong>de</strong> celuiqui était maître du gouvernement, et par suite <strong>de</strong> la police : la peur <strong>de</strong> l'assassinat.Toute cette famille royale, qui avait vu mourir Henri IV, était obsédée,<strong>au</strong> sens le plus fort du mot, par cette peur, <strong>au</strong>ssi bien Marie <strong>de</strong> Médicis etGaston d'Orléans, qui n'avait pourtant alors que <strong>de</strong>ux ans, que Louis XIII.Gaston d'Orléans, quand il n'avait encore que dix-huit ans, paraissait tellementplus capable que son frère, âgé alors <strong>de</strong> vingt-cinq ans, <strong>de</strong> soutenir le far<strong>de</strong><strong>au</strong><strong>de</strong> l'État, qu'on parlait couramment <strong>de</strong> substituer l'un à l'<strong>au</strong>tre ; Louis XIII lesavait très bien. Chacun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux frères, à <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s différentes, a regardésa mère comme tout à fait capable <strong>de</strong> le faire tuer. Luynes le premier avaitsemé et entretenu quatre ans dans l'esprit du roi cette mortelle méfiance àl'égard <strong>de</strong> sa mère et <strong>de</strong> son frère. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux ministres qui l'ont suivi dans lafaveur du roi n'ont certainement pas su appliquer ce procédé ; <strong>au</strong>ssi ont-ilspassé rapi<strong>de</strong>ment. Richelieu a commencé par ruiner l'ancien parti <strong>de</strong> Luynes,déjà très abaissé avant lui, qui s'était rassemblé <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> Gaston d'Orléans ;leur manie <strong>de</strong>s conjurations en chambre et la haine du roi à l'égard <strong>de</strong> son frèrele lui a permis. Pour ruiner ensuite la reine mère et tout son parti, dans lequelRichelieu lui-même avait, du temps <strong>de</strong> Luynes, pris part à une guerre civilecontre l'État, il lui a suffi <strong>de</strong> réveiller les terreurs et les méfiances que Luynesavait profondément implantées dans un esprit <strong>de</strong> seize ans. Pour empêcher leroi <strong>de</strong> songer à le disgracier, Riche lieu lui montrait, non pas l'État livré <strong>au</strong>désordre, mais, mobile <strong>au</strong>trement puissant, sa personne livrée <strong>au</strong>x assassins.Cette crainte n'était pas chimérique, puisqu'il a longtemps existé en France,dans ces profon<strong>de</strong>urs dont l'histoire ne parle pas, une mystique du régici<strong>de</strong>.Tout <strong>au</strong> début <strong>de</strong> la Fron<strong>de</strong>, Retz a trouvé sur un homme du peuple un médaillonoù il y avait : Saint Jacques Clément. Aussi je ne pense pas qu'il y aitjamais eu péril <strong>de</strong> disgrâce ; les périls apparents semblent avoir été <strong>de</strong>s effets<strong>de</strong> mise en scène. Le vrai péril, et qu'il fallait une âme bien forte pour surmonter,était celui <strong>de</strong> la mort du roi avant que le pouvoir <strong>de</strong> Richelieu fût par luimêmeassez soli<strong>de</strong>. Il <strong>au</strong>rait été livré, soit <strong>au</strong>x misères <strong>de</strong> l'exil parmi lespeuples étrangers qui tous, ennemis ou alliés, le haïssaient, soit à celles <strong>de</strong>quelque affreux cachot <strong>de</strong> la Bastille. Sa gran<strong>de</strong>ur d'âme a consisté à ne pas sechercher <strong>de</strong> ressources pour un tel événement, à mettre tout son jeu sur le

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