<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 158Bor<strong>de</strong><strong>au</strong>x. Mais, bien que la M. O. R. parle d'une « accumulation d'erreurs et<strong>de</strong> mensonges », elle ne relève pas la plus petite inexactitu<strong>de</strong> dans les articlesqu'elle voudrait réfuter. Elle voudrait ruiner <strong>de</strong>s affirmations étayées par <strong>de</strong>sanalyses et une documentation ; et elle ne trouve à leur opposer que <strong>de</strong>saffirmations contraires dont elle ne tente même pas d'établir l'exactitu<strong>de</strong>. Bienplus, ces affirmations se trouvent démenties par <strong>de</strong>s faits que nos camara<strong>de</strong>s<strong>de</strong> la M. O. R. doivent connaître, pour peu qu'ils se soient documentés, pourpeu qu'ils aient seulement lu les articles <strong>au</strong>xquels ils répon<strong>de</strong>nt. Leur réponsefera plaisir, malgré tout, à tous ceux qui désirent conserver d'agréablesillusions. Quant <strong>au</strong>x camara<strong>de</strong>s qui veulent connaître la vérité, les seuls dontl'approbation nous soit précieuse, ils pourront trouver, dans cette vainetentative <strong>de</strong> réponse, la preuve claire que l'exposé publié par L'École émancipéeétait rigoureusement exact.Espérons que ces camara<strong>de</strong>s comprendront pleinement le péril mortel quecourt le mouvement révolutionnaire du fait qu'il se trouve entre les mainsd'hommes dont les uns aiment mieux régler leurs pensées et leurs actionsd'après <strong>de</strong>s mythes que d'après une vue claire <strong>de</strong> la réalité, et dont les <strong>au</strong>trespensent que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Un tel état d'esprit estdangereux même quand il s'agit <strong>de</strong> questions secondaires ; or, <strong>au</strong>jourd'hui,dans toutes les questions importantes, le mouvement ouvrier est entièrementlivré à l'illusion et <strong>au</strong> mensonge. Nous sommes perdus si nous ne remettonspas en vigueur le grand principe que Lénine rappelait sans cesse, à savoir quela vérité, quelle qu'elle soit, est toujours salutaire pour le mouvement ouvrier,l'erreur, l'illusion et le mensonge toujours funestes.Quant à la soi-disant réponse <strong>de</strong> la M. O. R., il n'y a pas lieu <strong>de</strong> la discuter.On ne discute pas <strong>de</strong>s affirmations sans preuves. Mais elle fournit l'occasion<strong>de</strong> faire quelques remarques qui peuvent n'être pas inutiles.La M. O. R. ne tente pas <strong>de</strong> défendre le mot d'ordre du « front uniqueseulement à la base ». Elle voudrait faire croire que le parti communisteallemand a tenté par <strong>de</strong>ux fois d'appliquer la tactique du front unique <strong>au</strong>sommet. Ainsi lancer, sans la moindre préparation préalable, un mot d'ordre<strong>au</strong>ssi grave que celui <strong>de</strong> grève générale, alors qu'on est tout à fait incapable <strong>de</strong>l'appliquer, et inviter ceux qui peut-être en seraient capables à se chargerd'appliquer ce mot d'ordre, ce serait là la tactique du front unique ? Ce n'en estmême pas une m<strong>au</strong>vaise caricature. Chercher à établir le front unique, c'estchercher à former à tous les <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> la hiérarchie, <strong>de</strong> la base <strong>au</strong> sommet, <strong>de</strong>sorganisations mixtes établies pour un objectif déterminé et grâce <strong>au</strong>xquelleschaque tendance peut proposer sa tactique à l'ensemble <strong>de</strong>s ouvriers organisés.Ce que la M. O. R. se gar<strong>de</strong> bien <strong>de</strong> dire, c'est ce qui s'est passé en févrieret mars. Au début <strong>de</strong> février, la social-démocratie alleman<strong>de</strong> proposa un« pacte <strong>de</strong> non-agression », c'est-à-dire la suspension <strong>de</strong>s attaques entre socialisteset communistes. Le parti communiste non seulement refusa, ce qu'on nepeut blâmer, mais refusa brutalement et en fermant la porte à toute négociationultérieure. Le 19 février, l'Internationale Socialiste elle-même écrivit unelettre ouverte à l'Internationale Communiste, proposant le front unique contrele capitalisme et le fascisme. À cette proposition <strong>de</strong> front unique, lancée dansun moment si grave, l'Internationale Communiste ne répondit rien. Pendantprès <strong>de</strong> trois semaines elle garda le silence. Survint l'incendie du Reichstag ;
<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 159brutalement la répression s'abattit sur socialistes et communistes à la fois, lesréduisant en fait à l'illégalité, empêchant toute organisation du front unique àl'échelle nationale. C'est alors que l'Internationale Communiste prit la parole,<strong>de</strong>mandant à ses sections nationales <strong>de</strong> proposer le front unique <strong>au</strong>x partissocialistes correspondants, et d'accepter même cette fameuse « non-agression» si bruyamment repoussée en Allemagne un mois plus tôt. Peut-onimaginer incohérence plus pitoyable ?« Le Parti communiste allemand n'a jamais cessé <strong>de</strong> dénoncer Hitler et sesalliés. » C'est f<strong>au</strong>x. Je ne reviendrai pas sur la question du « plébiscite rouge »et <strong>de</strong> la grève <strong>de</strong>s transports ; les faits ont été exposés, et la M. O. R. ne tentemême pas <strong>de</strong> montrer que l'exposé était inexact.Il v<strong>au</strong>t mieux inviter les camara<strong>de</strong>s honnêtes et réfléchis à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rquel rôle joue en ce moment le parti communiste français à l'égard <strong>de</strong> lamenace fasciste. Car il y a en France <strong>de</strong>s mouvements fascistes ; ce sont tousles mouvements <strong>de</strong> révolte qui ne se placent pas sur un terrain <strong>de</strong> classe :anciens combattants, contribuables, commerçants, paysans conduits par laLigue agraire. Tous ces mouvements, notre parti communiste les appuie. Il ditque c'est pour amener à lui les masses conduites par les démagogues fascistes.Il oublie seulement <strong>de</strong> nous dire <strong>de</strong> quels moyens il dispose à cet effet. Ce quenous voyons, c'est qu'il apporte son <strong>au</strong>torité morale, qui, grâce à la révolutiond'Octobre et <strong>au</strong> plan quinquennal est encore considérable, à l'appui <strong>de</strong>courants fascistes. Ce front unique <strong>au</strong> sommet, qu'on refuse <strong>de</strong> pratiquer entreorganisations ouvrières, la C. G. P. T. le pratique, dans le cadre départemental,avec toutes les organisations paysannes, y compris celles qui sont nettementfascistes, comme la Ligue agraire ; et ce front unique ne se limite pas àorganiser en commun <strong>de</strong>s réunions ; les réunions se terminent par <strong>de</strong>s ordresdu jour rédigés et déposés en commun. Et quand paysans et commerçantssaccagent les coopératives ouvrières, L'Humanité fait leur éloge.« Le Parti communiste allemand a été discipliné dans l'Internationalecommuniste. » C'est absur<strong>de</strong>. On ne peut parler <strong>de</strong> discipline à l'égard d'unappareil sans mandat ; et c'est le cas puisque le congrès <strong>de</strong> l'Internationale nes'est pas réuni <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> cinq ans. Et cet appareil sans mandat n'a pascraint, <strong>de</strong> l'aveu <strong>de</strong> Piatnitsky lui-même, <strong>de</strong> s'immiscer directement dans lesaffaires alleman<strong>de</strong>s. Il n'y a pas eu <strong>de</strong> « directives » <strong>de</strong> l'Internationale que leparti allemand ait eu à « transposer à la situation alleman<strong>de</strong> ». L'appareil <strong>de</strong>l'Internationale a purement et simplement conduit le parti allemand, comme leprouve notamment l'affaire du « plébiscite rouge », et l'a conduit à sa perte.Thaelmann paye ses f<strong>au</strong>tes par <strong>de</strong>s souffrances inouïes ; il les paiera <strong>de</strong> sa viepeut-être. Sans oublier que ces f<strong>au</strong>tes ont fait tomber également entre lesmains <strong>de</strong>s hitlériens <strong>de</strong>s militants <strong>au</strong>ssi courageux et cent fois plus clairvoyantsque lui, nous n'attaquerons <strong>au</strong>cun <strong>de</strong> nos camara<strong>de</strong>s allemands. Noussavons que les vrais responsables ne sont pas dans la forteresse <strong>de</strong> Spand<strong>au</strong>.Ils sont à Moscou, et en complète sécurité.« L'heure n'est pas <strong>au</strong>x reportages défaitistes », dit la M. O. R. pourconclure, « mais à l'action ». Le jeune D<strong>au</strong>din et ses amis <strong>de</strong> la rue d'Ulmdisaient déjà être <strong>au</strong>x premiers rangs <strong>de</strong> l'action antifasciste. On peut enconclure que, tandis que nous cherchons avec anxiété quelle action efficace ilnous est encore possible <strong>de</strong> mener, nos camara<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la M. O. R. ont déjà
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