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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 46lien entre les colonies et leur métropole <strong>de</strong>vrait-il <strong>de</strong>venir un lien fédéral <strong>au</strong>lieu d'être un rapport <strong>de</strong> simple subordination.<strong>Les</strong> vainqueurs <strong>de</strong> 1918 ont voulu constituer un ordre international. À ceteffet, on a tenté <strong>de</strong> faire accepter certaines interdictions et certaines obligationscommunes à toutes les nations ; et sur quelques-unes on a voulu fairepeser <strong>de</strong>s obligations particulières, comme celle du désarmement pour l'Allemagneet celles concernant le traitement <strong>de</strong>s minorités pour certains paysd'Europe centrale. Par une contradiction singulière, on a laissé subsister ledogme <strong>de</strong> la souveraineté nationale, et l'<strong>au</strong>torité <strong>de</strong> chaque État sur ses sujetsest restée intacte. Une telle tentative ne pouvait aboutir, et elle n'a pas eumême un commencement <strong>de</strong> succès. Un pouvoir qui n'est arrêté par <strong>au</strong>cuneborne légitimement imposée tend nécessairement à s'accroître <strong>au</strong>-<strong>de</strong>dans et<strong>au</strong>-<strong>de</strong>hors ; tout État centralisé et souverain est conquérant et dictatorial enpuissance, et <strong>de</strong>vient tel en effet pour <strong>au</strong>tant qu'il croit en avoir la force.On peut imaginer à cette guerre, en admettant que l'Allemagne doive ysubir une plus ou moins gran<strong>de</strong> défaite, plusieurs issues possibles. L'Europepeut être ramenée à une situation peu différente <strong>de</strong> celle où elle se trouvait parexemple en 1930. <strong>Les</strong> peuples respireraient alors, mais non pas sans doutepour très longtemps. Elle peut tomber par épuisement dans un désordre diffuset sanglant dont la Russie tirerait peut-être profit ; la suite serait alorsimpossible à prévoir. Le rapport <strong>de</strong>s forces peut changer <strong>de</strong> telle manière quela puissance <strong>de</strong> l'Allemagne soit écrasée pour très longtemps par celle <strong>de</strong>snations victorieuses ; une telle éventualité n'est peut-être pas très probable,mais il f<strong>au</strong>t la supposer telle, puisque be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> personnes réclament dèsmaintenant à grand bruit <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> paix qui impliquent un écrasementdurable <strong>de</strong> l'Allemagne. Comme il est heureusement impossible d'exterminerla totalité ou même une partie considérable du peuple allemand, un tel écrasementsuppose une contrainte imposée <strong>au</strong> moment <strong>de</strong> la victoire et maintenuependant une longue pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> temps. Une coalition ne peut exercer un effortlong et continu ; une seule nation <strong>de</strong>vrait s'en charger ; ce serait inévitablementune nation continentale, c'est-à-dire la France.Si la France entreprenait un tel effort sans être matériellement et moralementcapable <strong>de</strong> le soutenir, une nouvelle guerre, qui peut-être l'anéantirait,serait pour elle le châtiment d'avoir osé <strong>au</strong>-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ses forces. Mais admettonsqu'elle en soit capable. Ce qu'elle a <strong>de</strong> sage, <strong>de</strong> libre et d'humain ne périrait-ilpas inévitablement dans la tension extrême <strong>de</strong>s forces nationales nécessaire àune si gran<strong>de</strong> tâche ? D'<strong>au</strong>tre part, ne lui f<strong>au</strong>drait-il pas possé<strong>de</strong>r un pouvoir <strong>de</strong>contrainte qui en ferait la maîtresse <strong>de</strong> l'Europe ? Certainement, les traditionshéritées <strong>de</strong>s Romains, <strong>de</strong> Richelieu, <strong>de</strong> Louis XIV et <strong>de</strong> Napoléon triompheraientalors en France. Autrement dit le système hitlérien ne disparaîtrait pas ;il se transporterait chez nous avec ses fins et ses métho<strong>de</strong>s. Ceux qui enferaient usage ne le reconnaîtraient pas, une fois naturalisé, mais ceux qui ensubiraient les effets douloureux ne le reconnaîtraient que trop. Pour l'avenir <strong>de</strong>l'humanité, pour la civilisation, pour la liberté, une telle victoire ne serait pasbe<strong>au</strong>coup meilleure que la défaite. La victoire <strong>de</strong> ceux qui défen<strong>de</strong>nt par lesarmes une c<strong>au</strong>se juste n'est pas nécessairement une victoire juste ; une victoireest plus ou moins juste non pas en fonction <strong>de</strong> la c<strong>au</strong>se qui a fait prendre lesarmes, mais en fonction <strong>de</strong> l'ordre qui s'établit une fois les armes déposées.L'écrasement du vaincu est non seulement toujours injuste, mais <strong>au</strong>ssi toujours

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