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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 69La Florence du XIV e siècle est en apparence un État corporatif. Depuis lesordinamenti di giustizia <strong>de</strong> 1293, le pouvoir est <strong>au</strong>x mains <strong>de</strong>s arts, c'est-à-dire<strong>de</strong>s corporations. Un art est soit une corporation, soit, plus fréquemment, uneunion <strong>de</strong> corporations qui forme un petit État dans l'État, avec <strong>de</strong>s chefs élusdont les pouvoirs s'éten<strong>de</strong>nt à la juridiction civile sur les membres <strong>de</strong> l'art, unecaisse, <strong>de</strong>s statuts ; et Florence est gouvernée par les prieurs <strong>de</strong>s arts, magistratsdésignés par les arts, et par un gonfalonier <strong>de</strong> justice, désigné par lesprieurs, et qui a sous ses ordres mille mercenaires armés. Quant <strong>au</strong>x nobles,les ordinamenti di giustizia les ont exclus <strong>de</strong> toute fonction publique et soumisà <strong>de</strong>s mesures d'exception très sévères. Si l'on ajoute que tous les magistratssont élus pour <strong>de</strong>s délais fort courts et doivent rendre compte <strong>de</strong> leur gestion,il semble que Florence soit une république d'artisans.Mais en réalité les arts florentins sont tout <strong>au</strong>tre chose que les corporationsmédiévales. Tout d'abord leur nombre est fixé à vingt et un, et ne peut êtremodifié ; il est interdit <strong>de</strong> former un art nouve<strong>au</strong>. Ceux qui sont en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>svingt et un sont donc privés <strong>de</strong> droits politiques. Puis, si les arts d'artisans et<strong>de</strong> petits commerçants ressemblent <strong>au</strong>x corporations ordinaires du moyen âge,ces arts, nommés arts mineurs, sont maintenus <strong>au</strong> second plan dans la viepolitique. Le pouvoir réel appartient <strong>au</strong>x arts majeurs, qui comprennent seulement,si l'on met à part juges, notaires et mé<strong>de</strong>cins, les banquiers, les groscommerçants, les fabricants <strong>de</strong> drap et les fabricants <strong>de</strong> soieries. Quant à ceuxqui travaillent la laine ou la soie, certains sont « membres mineurs » <strong>de</strong> l'artcorrespondant à leur métier, avec <strong>de</strong>s droits très restreints ; mais la plupartsont simplement subordonnés à l'art, c'est-à-dire soumis à sa juridiction sans ypossé<strong>de</strong>r <strong>au</strong>cun droit ; et il leur est la plupart du temps sévèrement interdit nonseulement <strong>de</strong> s'organiser, mais même <strong>de</strong> se réunir entre eux. L'arte di PorSanta Maria - celui <strong>de</strong>s fabricants <strong>de</strong> soieries - et surtout L’arte <strong>de</strong>lla lanasont donc non <strong>de</strong>s corporations, mais <strong>de</strong>s syndicats patron<strong>au</strong>x. Loin d'être unedémocratie, l'État florentin est directement <strong>au</strong>x mains du capital bancaire,commercial et industriel.Au cours du XIV e siècle, L’arte <strong>de</strong>lla lana prit peu à peu l'influenceprépondérante, à mesure que la fabrication du drap <strong>de</strong>venait la principaleressource <strong>de</strong> la cité, et que toutes les gran<strong>de</strong>s familles <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres corporationsy engageaient <strong>de</strong>s capit<strong>au</strong>x. Par sa structure, il constitue un petit État, quiorganise ses services publics, touche <strong>de</strong>s impôts, émet <strong>de</strong>s emprunts, construit<strong>de</strong>s loc<strong>au</strong>x, aménage <strong>de</strong>s entrepôts, se charge <strong>de</strong>s arrangements qui dépassentles possibilités <strong>de</strong> chaque entrepreneur ; c'est <strong>au</strong>ssi un cartel, qui impose à sesmembres un maximum <strong>de</strong> production qu'il leur est interdit <strong>de</strong> dépasser ; c'estsurtout une organisation <strong>de</strong> classe, qui a pour principal objet <strong>de</strong> défendre entoute occasion les intérêts <strong>de</strong>s fabricants <strong>de</strong> drap contre les travailleurs. Ceuxci,<strong>au</strong> contraire, privés <strong>de</strong> toute espèce d'organisation, se trouvent désarmés.Telle est la raison principale <strong>de</strong> l'insurrection <strong>de</strong>s Ciompi.Ces travailleurs <strong>de</strong> la laine se partageaient en catégories très différentesquant à la situation technique, économique et sociale, et qui, en conséquence,ont joué un rôle différent dans l'insurrection. La plus nombreuse était celle <strong>de</strong>souvriers salariés <strong>de</strong>s ateliers. Chaque marchand drapier avait, <strong>au</strong>près <strong>de</strong> saboutique, un grand atelier, ou plutôt, si l'on tient compte <strong>de</strong> la division et <strong>de</strong> lacoordination <strong>de</strong>s trav<strong>au</strong>x, une manufacture où l'on préparait la laine avant <strong>de</strong>

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