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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 120d'une action sur la structure même <strong>de</strong> la société. Pour presque chaqueAllemand, du moins dans la petite bourgeoisie et la classe ouvrière, les perspectivesbonnes ou m<strong>au</strong>vaises concernant les aspects même les plus intimes<strong>de</strong> sa vie propre se formulent immédiatement, surtout s'il est jeune, comme<strong>de</strong>s perspectives concernant l'avenir du régime. Ainsi la somme d'énergie quiest d'ordinaire, dans un peuple, absorbée presque tout entière par diversespassions et par la défense <strong>de</strong>s intérêts privés, se trouve, en ce moment, enAllemagne, porter sur les rapports économiques et politiques qui constituentl'ossature même <strong>de</strong> la Société.La situation, en Allemagne, peut donc être dite révolutionnaire. Le signe leplus apparent en est que les pensées et les conversations <strong>de</strong> chacun, y comprisles enfants <strong>de</strong> onze ans, se portent constamment et naturellement sur le problèmedu régime social, et avec le sérieux et la sincérité propres <strong>au</strong>x Allemands.Mais on ne voit pas <strong>de</strong> signe précurseur <strong>de</strong> la révolution dans les actes.La vague <strong>de</strong> grèves qui vient <strong>de</strong> parcourir l'Allemagne, <strong>au</strong> lieu d'embraser lepays, s'est éteinte grève après grève, y compris cette grève <strong>de</strong> transports quiavait semblé <strong>de</strong>voir soulever Berlin. Cependant la situation actuelle dure<strong>de</strong>puis déjà longtemps. Il f<strong>au</strong>t comprendre que la crise pose le problème d'unnouve<strong>au</strong> régime <strong>de</strong> la production, non pas comme pour les Russes en 1917,voilé par d'<strong>au</strong>tres problèmes en apparence plus faciles, mais brutalement,directement, et <strong>de</strong>vant une classe ouvrière non homogène. <strong>Les</strong> chômeurs, lesjeunes surtout, sont presque tous amenés, un moment ou l'<strong>au</strong>tre, par cette crisequi leur ôte toute perspective, à sentir que la seule issue est la trans<strong>format</strong>iondu régime <strong>de</strong> production, mais, à mesure que pour chacun d'eux, le chômagese prolonge, cette même crise finit trop souvent par lui ôter la force <strong>de</strong>chercher en général une issue. Cette vie d'oisiveté et <strong>de</strong> misère, qui ôte àl'ouvrier qualifié son habileté, <strong>au</strong>x jeunes toute possibilité d'apprendre unmétier, qui prive les ouvriers <strong>de</strong> leur dignité <strong>de</strong> producteurs, qui amène enfin -et c'est ce qu'elle a <strong>de</strong> pire - après <strong>de</strong>ux, trois, quatre ans, une sorte <strong>de</strong> douloureuseaccoutumance, cette vie ne prépare pas à assumer les responsabilités <strong>de</strong>tout le système <strong>de</strong> production. Ainsi la crise amène sans cesse <strong>de</strong> nouvellescouches ouvrières à la conscience <strong>de</strong> classe, mais sans cesse <strong>au</strong>ssi les retire,comme la mer amène et retire ses vagues. Le prolétariat allemand est affaibli<strong>au</strong>ssi par le nombre <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong> bure<strong>au</strong>, nombre qui a été accru par lecapitalisme allemand, en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> prospérité, avec la même prodigalité follequ'il a mise à bâtir ses usines et à renouveler son outillage. Car les employés<strong>de</strong> bure<strong>au</strong>, qui forment ainsi une partie considérable <strong>de</strong>s salariés et <strong>de</strong>schômeurs allemands, sont peu enclins à se serrer <strong>au</strong>tour <strong>de</strong>s ouvriers, etincapables, par leur métier même, <strong>de</strong> vouloir prendre leur sort en leurs propresmains. Enfin i1 y a une coupure entre les ouvriers <strong>de</strong>s entreprises et leschômeurs. <strong>Les</strong> ouvriers <strong>de</strong>s entreprises peuvent malgré tout vivre à la rigueurdans le régime, ils ont quelque chose à perdre et s'y raccrochent ; ils sont, eux<strong>au</strong>ssi, à la merci <strong>de</strong>s remous <strong>de</strong> la crise, mais peuvent, contrairement <strong>au</strong>xchômeurs, ne pas en avoir conscience à tout instant. Ce déf<strong>au</strong>t <strong>de</strong> solidarité ôte<strong>au</strong>x chômeurs toute prise sur l'économie, en même temps qu'il prive en partieles ouvriers <strong>de</strong>s entreprises <strong>de</strong> la sécurité nécessaire <strong>au</strong>x luttes. Ainsi la crise,si elle force presque chaque ouvrier ou petit bourgeois allemand à sentir, unmoment ou l'<strong>au</strong>tre, toutes ses espérances se briser contre la structure même dusystème social, ne groupe pas par elle-même le peuple allemand <strong>au</strong>tour <strong>de</strong>souvriers résolus à transformer ce système. Seule une organisation peut remé-

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