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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 62Hantée par cette distance, la Grèce n'a travaillé qu'à construire <strong>de</strong>s ponts.Toute sa civilisation en est faite. Sa religion <strong>de</strong>s Mystères, sa philosophie, sonart merveilleux, cette science qui est son invention propre et toutes les branches<strong>de</strong> la science, tout cela, ce furent <strong>de</strong>s ponts entre Dieu et l'homme. S<strong>au</strong>f lepremier, nous avons hérité <strong>de</strong> tous ces ponts. Nous en avons be<strong>au</strong>coupsurélevé l'architecture. Mais nous croyons maintenant qu'ils sont faits pour yhabiter. Nous ne savons pas qu'ils sont là pour qu'on y passe ; nous ignorons,si l'on y passait, qui l'on trouverait <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>tre côté.<strong>Les</strong> meilleurs parmi les Grecs ont été habités par l'idée <strong>de</strong> médiation entreDieu et l'homme, <strong>de</strong> médiation dans le mouvement <strong>de</strong>scendant par lequel Dieuva chercher l'homme. C'est cette idée qui s'exprimait dans leur notiond'harmonie, <strong>de</strong> proportion, laquelle est <strong>au</strong> centre <strong>de</strong> toute leur pensée, <strong>de</strong> toutleur art, <strong>de</strong> toute leur science, <strong>de</strong> toute leur conception <strong>de</strong> la vie. Quand Romese mit à brandir son glaive, la Grèce avait seulement commencé d'accomplirsa vocation <strong>de</strong> bâtisseuse <strong>de</strong> ponts.Rome détruisit tout vestige <strong>de</strong> vie spirituelle en Grèce, comme dans tousles pays qu'elle soumit et réduisit à la condition <strong>de</strong> provinces. Tous s<strong>au</strong>f unseul. Contrairement à celle <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres pays, la révélation d'Israël avait étéessentiellement collective, et par là même be<strong>au</strong>coup plus grossière, mais <strong>au</strong>ssibe<strong>au</strong>coup plus soli<strong>de</strong> ; seule elle pouvait résister à la pression <strong>de</strong> la terreurromaine. Protégé par cette carapace, couva un peu d'esprit grec qui avaitsurvécu sur le bord oriental <strong>de</strong> la Méditerranée. Ainsi, après trois sièclesdésertiques, parmi la soif ar<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> peuples, jaillit la source parfaitementpure. L'idée <strong>de</strong> médiation reçut la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la réalité, le pont parfaitapparut, la Sagesse divine, comme Platon l'avait souhaité, <strong>de</strong>vint visible <strong>au</strong>xyeux. La vocation grecque trouva ainsi sa perfection en <strong>de</strong>venant la vocationchrétienne.Cette filiation, et par suite <strong>au</strong>ssi la mission <strong>au</strong>thentique du christianisme,fut longtemps empêchée d'apparaître. D'abord par le milieu d'Israël et par lacroyance à la fin imminente du mon<strong>de</strong>, croyance d'ailleurs indispensable à ladiffusion du message. Bien plus encore ensuite par le statut <strong>de</strong> religionofficielle <strong>de</strong> l'Empire romain. La Bête était baptisée, mais le baptême en futsouillé. <strong>Les</strong> Barbares vinrent heureusement détruire la Bête et apporter unsang jeune et frais avec <strong>de</strong>s traditions lointaines. À la fin du X e siècle lastabilité, la sécurité furent retrouvées, les influences <strong>de</strong> Byzance et <strong>de</strong> l'Orientcirculèrent librement. Alors apparut la civilisation romane. <strong>Les</strong> églises, lessculptures, les mélodies grégoriennes <strong>de</strong> cette époque, les quelques fresquesqui nous restent du X e et du XI e siècle, sont seules à être presque équivalentesà l'art grec en majesté et en pureté. Ce fut la véritable Renaissance. L'espritgrec renaquit sous la forme chrétienne qui est sa vérité.Quelques siècles plus tard eut lieu l'<strong>au</strong>tre Renaissance, la f<strong>au</strong>sse, celle quenous nommons <strong>au</strong>jourd'hui <strong>de</strong> ce nom. Elle eut un point d'équilibre où l'unité<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux esprits fut pressentie. Mais très vite elle produisit l'humanisme, quiconsiste à prendre les ponts que la Grèce nous a légués comme habitationspermanentes. On crut pouvoir se détourner du christianisme pour se tournervers l'esprit grec, alors qu'ils sont <strong>au</strong> même lieu. Depuis lors la part du spiritueldans la vie <strong>de</strong> l'Europe n'a fait que diminuer pour arriver presque <strong>au</strong>néant. Aujourd'hui la morsure du malheur nous fait prendre en dégoût

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