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“Histoire” livre de Mme Simone Weil au format PDF - Les Classiques ...

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<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 63l'évolution dont la situation présente est le terme. Nous injurions et voulonsrejeter cet humanisme qu'ont élaboré la Renaissance, le XVIII e siècle et laRévolution. Mais par là, loin <strong>de</strong> nous élever, nous abandonnons la <strong>de</strong>rnièrepâle et confuse image que nous possédions <strong>de</strong> la vocation surnaturelle <strong>de</strong>l'homme.Notre détresse présente a sa racine dans cette f<strong>au</strong>sse Renaissance. Entre lavraie et la f<strong>au</strong>sse, que s'était-il passé ?Be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> crimes et d'erreurs. Le crime décisif a peut-être été lemeurtre <strong>de</strong> ce pays occitanien sur la terre duquel nous vivons. Nous savonsqu'il fut à plusieurs égards le centre <strong>de</strong> la civilisation romane. Le moment où ila péri est <strong>au</strong>ssi celui où la civilisation romane a pris fin.Il y avait encore alors un lien vivant avec les traditions millénaires que <strong>de</strong>nouve<strong>au</strong> <strong>au</strong>jourd'hui nous essayons <strong>de</strong> découvrir avec peine, celles <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>,<strong>de</strong> la Perse, <strong>de</strong> l'Égypte, <strong>de</strong> la Grèce, d'<strong>au</strong>tres encore peut-être. Le XIII e sièclecoupa le lien. Il y avait ouverture à tous les courants spirituels du <strong>de</strong>hors. Sidéplorables qu'aient été les croisa<strong>de</strong>s, du moins elles s'accompagnèrentréellement d'un échange mutuel d'influences entre les combattants, échange oùmême la part <strong>de</strong>s Arabes fut plus gran<strong>de</strong> que celle <strong>de</strong> la chrétienté. Elles ontété ainsi infiniment supérieures à nos guerres colonisatrices mo<strong>de</strong>rnes. Àpartir du XIII e siècle l'Europe se replia sur elle-même et bientôt ne sortit plusdu territoire <strong>de</strong> son continent que pour détruire. Enfin, il y avait les germes <strong>de</strong>ce que nous nommons <strong>au</strong>jourd'hui notre civilisation. Ces germes furent ensuiteenfouis jusqu'à la Renaissance. Et tout cela, le passé, l'extérieur, l'avenir,était tout enveloppé <strong>de</strong> la lumière surnaturelle du christianisme. Le surnaturelne se mélangeait pas <strong>au</strong> profane, ne l'écrasait pas, ne cherchait pas à lesupprimer. Il le laissait intact et par là même <strong>de</strong>meurait pur. Il en était l'origineet la <strong>de</strong>stination.Le moyen âge gothique, qui apparut après la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> la patrieoccitanienne, fut un essai <strong>de</strong> spiritualité totalitaire. Le profane comme teln'avait pas droit <strong>de</strong> cité. Ce manque <strong>de</strong> proportion n'est ni be<strong>au</strong> ni juste ; unespiritualité totalitaire est par là même dégradée. Ce n'est pas là la civilisationchrétienne. La civilisation chrétienne, c'est la civilisation romane, prématurémentdisparue après un assassinat. Il est infiniment douloureux <strong>de</strong> penser queles armes <strong>de</strong> ce meurtre étaient maniées par l'Église. Mais ce qui est douloureuxest parfois vrai. Peut-être en ce début du XIII e siècle la chrétienté a-t-elleeu un choix à faire. Elle a mal choisi. Elle a choisi le mal. Ce mal a porté <strong>de</strong>sfruits, et nous sommes dans le mal. Le repentir est le retour à l'instant qui aprécédé le m<strong>au</strong>vais choix.L'essence <strong>de</strong> l'inspiration occitanienne est i<strong>de</strong>ntique à celle <strong>de</strong> l'inspirationgrecque. Elle est constituée par la connaissance <strong>de</strong> la force. Cette connaissancen'appartient qu'<strong>au</strong> courage surnaturel. Le courage surnaturel enfermetout ce que nous nommons courage et, en plus, quelque chose d'infinimentplus précieux. Mais les lâches prennent le courage surnaturel pour <strong>de</strong> lafaiblesse d'âme. Connaître la force, c'est, la reconnaissant pour presque absolumentsouveraine en ce mon<strong>de</strong>, la refuser avec dégoût et mépris. Ce méprisest l'<strong>au</strong>tre face <strong>de</strong> la compassion pour tout ce qui est exposé <strong>au</strong>x blessures <strong>de</strong>la force.

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