<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 108juillet, surtout, on se met, chose inusitée jusque-là, à discuter dans les réunionsintérieures <strong>de</strong> la social-démocratie ; les jeunes y attaquent violemment ladirection, proclament qu'ils ne veulent plus rester passifs sous prétexte qu'ilf<strong>au</strong>t éviter la guerre civile, qu'ils veulent s'entendre avec les ouvriers communistes,et lutter. Mais lutter pour quoi ? Pour la république <strong>de</strong> Weimar ? Laforce <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s chefs réformistes rési<strong>de</strong> en ceci, qu'une lutte peutdifficilement s'engager en ce moment sans mettre en question l'existencemême du régime. Or la question du régime, les ouvriers social-démocratesn'osent guère la regar<strong>de</strong>r en face. Aussi leur opposition <strong>de</strong>meure-t-elle sour<strong>de</strong>,incertaine, dispersée. Certes, quelques-uns d'entre eux s'en vont <strong>au</strong> mouvementnational-socialiste ou <strong>au</strong> communisme ; mais la plupart restent membresdisciplinés, bien que mécontents, <strong>de</strong> leurs organisations. Qu'ils préfèrent lesorganisations réformistes <strong>au</strong> mouvement hitlérien, cela fait leur éloge ; maisqu'est-ce qui les tient éloignés du parti communiste. Où en est le particommuniste allemand ?Quatre-vingts à quatre-vingt-dix pour cent <strong>de</strong>s membres du particommuniste allemand sont chômeurs. Plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s membres a adhéré<strong>au</strong> parti <strong>de</strong>puis moins d'un an, plus <strong>de</strong>s quatre cinquièmes <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ans. Ces seuls chiffres permettent d'apprécier la faiblesse du parti parrapport <strong>au</strong>x tâches qu'il se propose. La crise a pour effet naturel <strong>de</strong> rendrepru<strong>de</strong>nts même les ouvriers h<strong>au</strong>tement qualifiés qui, en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> prospérité,ne craignant pas <strong>de</strong> perdre leur place, sont les plus disposés à mener uneaction révolutionnaire ; et elle amène <strong>au</strong> contraire à <strong>de</strong>s opinions radicalesceux qui n'ont plus rien à perdre : les chômeurs. De même la crise use etremplace très vite <strong>de</strong>s couches successives <strong>de</strong> révolutionnaires. Mais cesphénomènes produits par la crise dans la classe ouvrière, et qui sont pour elleune c<strong>au</strong>se <strong>de</strong> faiblesse, se reflètent dans le parti communiste, non pas atténuéscomme il f<strong>au</strong>drait pour qu'il constitue un instrument <strong>au</strong>x mains <strong>de</strong>s ouvriers,mais <strong>au</strong> contraire grossis. Ce grossissement ne peut être dû qu'à la politique duparti.Sa politique syndicale, menée selon les <strong>de</strong>ux mots d'ordre contradictoires :« Renforcez les syndicats rouges », et « Travaillez dans les syndicats socialdémocrates» , a abouti à <strong>de</strong>s syndicats rouges très faibles, et à une influencecommuniste à peu près nulle dans les syndicats réformistes. Le régimeintérieur, régime <strong>de</strong> dictature bure<strong>au</strong>cratique sans contrôle <strong>de</strong> la base, a permisà la direction <strong>de</strong> mener une politique d'aventures qui a ôté <strong>au</strong> parti tout créditdans les entreprises, les ouvriers <strong>de</strong>s entreprises ayant be<strong>au</strong>coup plus que leschômeurs la crainte <strong>de</strong>s aventures. Ce même régime intérieur, en rendant lavie impossible <strong>au</strong>x éléments les plus conscients s'ils ne taisent pas <strong>au</strong> moinsune partie <strong>de</strong> ce qu'ils pensent, en empêchant que les membres nouve<strong>au</strong>x,souvent recrutés <strong>au</strong> hasard, reçoivent une éducation sérieuse, condamne leparti à n'avoir presque que <strong>de</strong>s membres fraîchement acquis. Ainsi le prolétariatallemand n'a comme avant-gar<strong>de</strong>, pour faire la révolution, que <strong>de</strong>schômeurs, <strong>de</strong>s hommes privés <strong>de</strong> toute fonction productrice, rejetés hors dusystème économique, condamnés à vivre en parasites malgré eux, et qui sont<strong>de</strong> plus entièrement dépourvus <strong>au</strong>ssi bien d'expérience que <strong>de</strong> culture politique.Un tel parti peut propager <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> révolte, non se proposer larévolution comme tâche.
<strong>Simone</strong> <strong>Weil</strong>, Écrits historiques et politiques. 1. Première partie : Histoire 109Si l'on ajoute que les organisations <strong>de</strong> sympathisants groupent, elles <strong>au</strong>ssi,surtout <strong>de</strong>s chômeurs, et seulement <strong>au</strong> nombre d'une ou <strong>de</strong>ux centaines <strong>de</strong>mille - que le parti n'a même pas construit <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> chômeurs- qu'il a laissé dissoudre, il y a <strong>de</strong>ux ans, une excellente organisationmilitaire (R.F.K.), qu'il n'a pu faire vivre illégalement, et dont les membres setrouvent <strong>au</strong>jourd'hui en partie dans les troupes d'ass<strong>au</strong>t hitlériennes - onreconnaîtra qu'il est difficile d'imaginer une organisation plus faible à l'égard<strong>de</strong>s problèmes que pose toute action.*Cette faiblesse intérieure lui rend à la fois indispensable et difficile d'acquérirune influence sur les ouvriers <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres partis. Cependant, la situationintérieure <strong>de</strong>s partis national-socialiste et social-démocrate lui est favorable.Dans le mouvement hitlérien se trouvent <strong>de</strong>s ouvriers qu'on ne peut nommerconscients, mais qui ont, sinon <strong>de</strong>s conceptions, du moins <strong>de</strong>s sentimentsrévolutionnaires, qui croient sincèrement dans ce parti nationaliste, servir larévolution. En exposant clairement les contradictions intérieures du partihitlérien, en dénonçant surtout, avec une vigueur implacable, le caractèrecontre-révolutionnaire <strong>de</strong> toute propagan<strong>de</strong> nationaliste, on pourrait, dans unecertaine mesure, isoler le parti hitlérien <strong>de</strong> la classe ouvrière, en détachermême certains éléments petits bourgeois.Au contraire, les ouvriers social-démocrates, sour<strong>de</strong>ment mécontents <strong>de</strong> lapolitique réformiste, n'osent pas s'engager dans la lutte révolutionnaire par unecrainte légitime <strong>de</strong> l'aventure. La polémique ne peut mordre sur eux ; on nepeut les entraîner que par <strong>de</strong>s accords pratiques permettant <strong>au</strong>x ouvrierssocial-démocrates et communistes, impuissants séparément, d'accomplirensemble <strong>de</strong>s actions bien déterminées ; actions qui contribueraient <strong>au</strong>ssi àattirer ceux qui vont <strong>au</strong> parti hitlérien simplement parce qu'il est le seul àdonner l'impression qu'il existe.Or, par une perversité qui semble diabolique, le parti communiste mèneune politique exactement contraire.Il n'emploie d'<strong>au</strong>tre moyen d'action <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s social-démocrates que lapolémique contre leurs chefs, polémique menée dans le langage le plusviolent ; les offres <strong>de</strong> front unique, faites « à la base », par-<strong>de</strong>ssus la tête <strong>de</strong>sorganisations, et dont chacun sait d'avance qu'elles seront rejetées, constituentsimplement un aspect <strong>de</strong> cette polémique. En juillet, sous la pression <strong>de</strong>souvriers <strong>de</strong> la base, et <strong>de</strong>vant la menace <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s fascistes, on a plusieursfois réalisé le front unique entre organisations locales ; mais, <strong>de</strong>puis, si leterme <strong>de</strong> « social-fasciste » est <strong>de</strong>venu <strong>de</strong> moins en moins usité, tout en faisanttoujours partie du vocabulaire officiel, le front unique a été pratiquementabandonné. <strong>Les</strong> propositions d'organisation à organisation ne se sont pasrenouvelées.Avec les hitlériens, <strong>au</strong> contraire, le parti a longtemps pratiqué une sorte <strong>de</strong>front unique contre la social-démocratie. <strong>Les</strong> ouvriers social-démocrates n'ont
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