africa - Institut National du Patrimoine
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Africa XIII/L'Etat économique de l'Afrique byzantine d'après les récits des chroniqueurs arabes Abdelatif MRABET<br />
-sans équivalents dans les sources écrites latines- se trouvent minorés et insuffisamment<br />
pris en compte dans les schémas actuels de la recherche.<br />
En ce qui concerne l'économie de l'Afrique à l'époque byzantine, domaine où les textes<br />
grecs et latins sont laconiques et où l'archéologie ne donne pas encore suffisamment de<br />
résultats (3) , les récits arabes de la conquête <strong>du</strong> Maghreb nous livrent des informations<br />
riches et, parfois, inatten<strong>du</strong>es; c'est le cas d'une série de renseignements relatifs aux<br />
multiples butins prélevés en Afrique <strong>du</strong> Nord par les premiers conquérants arabes. En<br />
effet, d'Ibn Abd al-Hakam à Abù l-Mahassen en passant par Ibn Khal<strong>du</strong>n, les<br />
chroniqueurs et les annalistes nous fournissent moult détails sur les différentes prises de<br />
guerre faites tout au long de la progression arabe depuis l'est de la Cyrénaïque, au<br />
voisinage de l'Egypte, jusqu'à la région <strong>du</strong> Sous dans le Maghreb al-Aqsa (Maroc<br />
actuel). Le butin, variable, comportait outre les esclaves, les animaux, notamment les<br />
chevaux et les dromadaires, les bijoux et bien d'autres biens de valeurs, d'importantes<br />
quantités d'or monétaire et d'argent. Depuis l'époque antéislamique, les Arabes, alors<br />
peu rompus aux techniques <strong>du</strong> monnayage, usaient de diverses monnaies étrangères:<br />
dinar byzantin, dirham perse, une monnaie marquée de caractères himyarites provenant<br />
d'Arabie <strong>du</strong> Sud (4) . Au VIIIème siècle, malgré quelques frappes ponctuelles,<br />
l'expansion islamique aidant, les "emprunts" monétaires devinrent encore plus<br />
importants ; désormais, grâce à la conquête, les caisses de l'État seront aussi alimentées<br />
par le pro<strong>du</strong>it des multiples butins, des centaines de milliers de dinars, or,<br />
-solidi-confisqués ou obtenus à titre de tribut ; en voici le relevé établi d'après les récits<br />
des principaux annalistes et chroniqueurs de la conquête :<br />
- 13 000 dinars obtenus en 643 par le général arabe 'Amr b. el'As, à la suite de la prise<br />
de Barqa en Cyrénaïque ; c'est en fait le montant de la djizya, désormais tribut annuel<br />
exigé des Berbères Lawata (5) .<br />
- 300 "qintar" d'or, soit 300 centenria (6) ; sachant que le centenarium vaut 100 livres<br />
soit 32,25 Kg d'or (7) et que le dinar ou soli<strong>du</strong>s de l'époque pèse théoriquement 4,48<br />
gr .(8) , cela fait plus de 2.150.000 solidi. Cette importante somme représente la rançon<br />
qu'a obtenue Abdallah b. Saad à l'issue de sa victoire sur Grégoire à Sufetula (Sbeïtla),<br />
en 647 ap. J-C (9) . En outre, cette même campagne de Byzacène, longue de quinze<br />
mois, fut une gigantesque opération de pillage ; le partage après prélèvement <strong>du</strong><br />
prestige, que les auteurs arabes se trompent, se contredisent, racontent des légendes, font <strong>du</strong> roman. D'où,<br />
rapprochements de dates qui, en effet, ne concordent pas, énumération de faits qui semblent ne s'accorder guère et,<br />
finalement, condamnation solennelle des annalistes arabes, qui n'ont pas été enten<strong>du</strong>s, n'étant pas cités. "Voir Claudel<br />
M. :" "Premières invasions arabes dans l'Afrique <strong>du</strong> Nord (21-78 H/ 641-697 J.-C" ; Paris, Leroux, 1900, p II de la<br />
préface.<br />
(3) L'archéologie byzantine en Afrique est encore à ses débuts, il y a peu encore, les fouilleurs ignoraient les niveaux<br />
byzantins. Aujourd'hui, après les bons résultats obtenus par Mahjoubi A. à Belalis Maior (Henchir El Faouar,<br />
Tunisie), Duval N. à Sufetula (Sbeitla, Tunisie) et la mission franco-tunisienne à Bararus (Rougga, Tunisie), on<br />
commence à s'intéresser aux sites tardifs.<br />
(4) Voir Chabbi M. "Intro<strong>du</strong>ction à l'étude des monnaies de l'Afrique arabe", texte en arabe, Africa n°II, pp. 175-<br />
194.<br />
(5) Ibn abd al Hakam : "conquête...", p.35.<br />
Al-Baladhuri "Futuh...", p. 221 ; toutefois cet auteur donne pour montant de la Djizya le chiffre de 3000 dinars.<br />
(6) Al Baladhuri, "Futuh..."; p.. 224. An-Nuwaïri dans "Histoire des Berbères", De Slane (Ibn Khal<strong>du</strong>n), tome I, p.<br />
322. Ibn Idhari," Al-Bayan...", p.12. Il s'agit bien de centenaria et non de talents comme le prétend Diehl Ch. dans<br />
"l'Afrique byzantine...", p. 560. Théophane qui, dans sa chronographie, rapporte la défaite de Grégoire et évoque la<br />
contribution payée par les Byzantins, ne donne pas de chiffre. Voir Diehl, op. cite, p.560. A propos de l'unité<br />
centenarium, voir : Callu J. P. : "Le centenarium et l'enrichissement monétaire au Bas-Empire", Ktéma, 3, 1978, pp.<br />
301-316.<br />
(7) Il s'agit de la livre Naville à 322,56 gr.<br />
(8) Bien enten<strong>du</strong>, <strong>du</strong> fait <strong>du</strong> frai, les solidi perdent en poids ; il faut compter en moyenne un poids de 4,40 gr. pour un<br />
soli<strong>du</strong>s (globulaire) issu de l'atelier de Carthage . Voir Guéry R., Morrisson C, Slim H. : "Recherches<br />
archéologiques franco-tunisiennes à Rougga...", p.56.<br />
(9) Selon Vallve ; Abdallah b. Sarh n'ayant pas triomphé des Byzantins mais des Nubiens d'Egypte, c'est à ces<br />
derniers qu'il imposa le paiement de 300 quintaux d'or. L'historien espagnol parvient à cette conclusion contestable<br />
en identifiant Aquba-l'endroit où, selon Ibn abd al-Hakam, Ibn Sarh rencontra et défit Grégoire et son armée-avec<br />
"Kubban, près d'al-Allaqi, à 107 Km au sud d'Assouan" voir J. Vallve : "Al-Andalus et l'ifriqiya au VIIIème siècle :<br />
histoire et légende" Cahiers de Tunisie, XVIII, n° 69-70, 1970, pp. 21-30.<br />
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