africa - Institut National du Patrimoine
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Africa XIII/Note à propos d'un décor naval figurant sur deux plats de céramique Abdelaziz DAOULATLI-Adnan LOUHICHI<br />
Nous n'avons, à notre connaissance, aucun document d'iconographie maritime<br />
spécifiquement hafside pouvant permettre une analyse comparative. Les parallèles seraient<br />
donc à rechercher ailleurs qu'en Tunisie.<br />
Une silhouette de bateau représentée sur un carreau de faïence de Manises rappelle<br />
de par la forme de sa coque et sa voile à rayures verticales nos deux navires (2) - Il s'agit<br />
d'un carreau de pavement provenant des décombres <strong>du</strong> palais seigneurial de Manises.<br />
L'analyse stylistique a permis une datation approximative : les tiges fleuries ainsi que la<br />
voile rayée, typiquement aragonaise, semble-t-il, permettent de dater ce carreau avec<br />
certitude <strong>du</strong> début <strong>du</strong> XVè S. De par leurs voiles rayées nos deux navires seraient-ils<br />
aussi de type aragonais? Et de par leur forme peut-on les définir en tant que tartanes<br />
suivant en cela la définition donnée à la silhouette représentée sur ce carreau de Manises?<br />
Ces parallèles établis nous autoriseraient à voir dans le thème décoratif de nos<br />
céramiques une influence aragonaise ou plus exactement une interprétation plastique<br />
tunisienne élaborée à la lumière d'un modèle autre que tunisien, aragonais probablement.<br />
Ce décor serait l'oeuvre par exemple de l'un de ces artisans andalous réfugié à Tunis dont<br />
la mémoire est imprégnée des paysages maritimes <strong>du</strong> pays d'origine (3) . Par ailleurs la<br />
ville de Tunis, pouvait tout aussi bien offrir de par son activité portuaire à l'oeil d'un<br />
artisan observateur, le spectacle d'un bon nombre de bâtiments marchands étrangers.<br />
L'appellation tartane serait à retenir également quoique ce terme s'appliquât à l'époque<br />
médiévale à une assez large variété de modèles de navires. Il est dérivé de l'arabe<br />
taride (4) (tarida en bas latin et en catalan ancien). La définition de taride fournie par le<br />
"Glossaire Nautique" (5) , semble s'appliquer à nos deux navires : "Bâtiment que sa<br />
construction rangeait dans la famille des galères ou vaisseaux longs...Les tarides<br />
procédaient quelquefois des galères, quelquefois elles subissaient dans leur construction<br />
de certains changements qui les rapprochaient des nefs..."Dans un autre passage <strong>du</strong><br />
"Glossaire Nautique" où il est question de la fonction de la taride (6) , on peut déceler une<br />
autre précision sur son profil: "..Les tarides, courtes, au moins par comparaison avec les<br />
galères et les bâtiments, qui procédaient de celles-ci, étaient faites pour porter de lourdes<br />
charges. Leur mission ordinaire était le transport des marchandises de toutes sortes, des<br />
troupes, des chevaux, des vivres, des armes...."<br />
Les plats A et B, de par la richesse de leur thème décoratif appartiennent<br />
vraisemblablement à une époque où la pro<strong>du</strong>ction céramique hafside était en plein<br />
épanouissement, c'est-à-dire aux XIVè-XVèS. La ressemblance de ce décor avec celui <strong>du</strong><br />
carreau de pavement de Manises constituerait une corroboration en faveur de<br />
l'appartenance de nos plats à ce cadre chronologique. Enfin, le gouvernail arrière, présent<br />
sur chacun de nos deux navires et dont l'emploi ne se généralisa en Méditerranée que très<br />
tardivement au Moyen Age, nous permet de dater ces plats d'une manière plus précise,<br />
entre la fin <strong>du</strong> XIVème et le début <strong>du</strong> XVème siècles.<br />
(2) Gonzales M., Ceramica del Levante Espagnol, T.II, Edit. Labor, S.A, 1952, fig. 771, p. 539.<br />
(3) Nous pouvons citer l'exemple éloquent de Sidi Qacem al-Jelizi, mort en 1496 à Tunis, maître faïencier<br />
et homme pieux fort respecté par ses contemporains et même par les gens <strong>du</strong> pouvoir hafside. Il fut<br />
probablement à l'origine de l'intro<strong>du</strong>ction ou <strong>du</strong> moins de la propagation de certaines techniques en matière de<br />
céramique telle que la cuerda seca.<br />
(4) en arabe embarcation rapide, de chasse par exemple.<br />
(5) Jal A., Glossaire Nautique, 1848, p. 1430 et suivantes.<br />
(6) Lors de la discussion qui a suivi la présentation de cette communication, Mme Villain-Gandossi Christiane a<br />
qualifié nos deux navires comme étant de type intermédiaire n'ayant pas de parenté avec la nef franche et qu'ils se<br />
rapprochent plus de la taride ou <strong>du</strong> lin.<br />
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