africa - Institut National du Patrimoine
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Africa XIII/Monastir au 19ème siècle, à propos de la ville et de l'urbanisme arabo-musulman Med Moncef M'HALLA<br />
tunisienne précoloniale, écrit-elle, "le quartier, unité ethnique, de résidence, de parenté,<br />
est la cellule de base de la cité" (24) .<br />
Le caractère ethnique des groupements sociaux urbains est une proposition<br />
avancée, comme on l'a déjà vu, par G. Marcais et qui fut reprise et diffusée. Mais<br />
l'urbanisme dont a traité ce dernier est celui de la cité musulmane dans sa généralité,<br />
propos a-historisé, renvoyant à des villes de pays et d'époques variés. Le modèle<br />
général qui se dégage est donné surtout par la fondation des villes au premier âge de<br />
l'Islam et particulièrement celles qui sont de conception et de formation proprement<br />
musulmanes, soit crées ex nihilo (Koufa et Basra en Mésopotamie, Fostat et le Caire en<br />
Egypte, Kairouan en Afrique <strong>du</strong> Nord...). Les armées conquérantes composées de<br />
nomades sont à l'origine de la fondation des villes et dont les premières installations<br />
sont des camps (de tentes ou huttes) qui, avec le temps, prennent figure de cité. L.<br />
Massignon a étudié ce processus de "Tamsir" c'est-à-dire de fixation des tribus nomades<br />
conquérantes. Le "tramsir de Kufa", écrit-il, est le "passage de l'agglomération des<br />
camps militaires à la répartition en quartiers urbains" (25) . Mais qu'en est-il des villes<br />
anciennes, conquises, comme c'est le cas de Alep, de Damas et son équivalent au<br />
Maghreb en plus petit Gabès (le rapprochement est d'al-Bekri), qui d'abord antiques<br />
deviennent ensuite musulmanes? Leur organisation est certainement différente. Il en est<br />
de même des villes créés à une période "tardive" dans la genèse est autre (26) ; en tout cas,<br />
elles ne répondent pas au même modèle que celles créés antérieurement et ne sont pas<br />
moins musulmanes.<br />
La définition de la cité et de son rapport avec le reste est au centre des<br />
préoccupations d'Ibn Khaldoun dans la "Muqaddima". De "la civilisation bédouine"<br />
("al- c umran al badawi") et de "la civilisation citadine" ("al- c umran al-hadari"), il fait<br />
séparément une description ethnographique quoique souvent dans une approche<br />
comparative et intégrée à une théorie particulière de l'Etat qui fait des tribus le moteur<br />
de l'histoire et dont l'accession au pouvoir d'une manière cyclique, les amènent à habiter<br />
les villes et de là à se transformer, ses membres devenant citoyens. Entre la civilisation<br />
bédouine et la civilisation citadine, la distinction et non l'opposition est nette et la<br />
différence est socio-politique. A l'origine et à la base de la première il y a "al- c asabiya"<br />
tra<strong>du</strong>ite souvent par "l'esprit de clan" et elle a pour fondement " l'ascendance<br />
commune". Elle est dite :" c asabya wa ahlu nasabin wahid". Et à Ibn Khaldoun<br />
d'expliquer : "l'esprit de clan vient de la cohésion <strong>du</strong> lignage" (27) . Par contre, les<br />
habitants de la ville, "ahl al hadar", même d'origine bédouine se détribalisent après<br />
quelque temps. Il sont caractérisés comme n'étant pas liés par la filiation. Ils sont dits :<br />
"al munfari<strong>du</strong>na fi ansabihim", soit indivi<strong>du</strong>alisés (28) .<br />
A chacune des deux formes d'organisation sociale correspond des institutions<br />
politiques propres. Aux uns, les institutions d'Etat, aux autres les Cheikhs et les<br />
"Grands" leur servent de modérateurs (29) .<br />
(24) Valensi L.,op. cité p. 68.<br />
(25) (25) Massignon L., Explication <strong>du</strong> plan des Kufa, dans Mélanges Maspéo : Orient, Islam Mémoires t LXVIII pp.<br />
336-360. Voir aussi Garcin J.C., Toponymie et topographie urbaines médiévales à Fustat et au Caire, in Journal of<br />
Economie and Social History of Orient Vol. XXVII Part. II, pp. 113-155.<br />
(26) Berque J., Genèse d'une métropole musulmane in Maghreb histoire et société édit. S.N.E.D. et Duculot Alger 1974<br />
pp. 35-47.<br />
(27) Ibn Khaldoun, Discours sur l'histoire universelle (Muqaddima) op. cité, T1p. 225. (voir note n°27 en arabe à la fin<br />
de l'article).<br />
(28) Locution que tra<strong>du</strong>it Monteil V. par "détribalisés", Rosenthal par "isolated" et Slane par "vivant chacun de son<br />
côté"(voir V.Monteil op. cité p. 226)<br />
(29) (voir note n°29 en arabe à la fin de l'article).<br />
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