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africa - Institut National du Patrimoine

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Africa XIII/ ABOU-FIHR : un monument hydraulique hafside <strong>du</strong> XIIIème siècle : Archéologie et Histoire Adnan LOUHICHl<br />

interne de citernes et de canalisations alimentant des bassins d'ablution et des "suçoirs".<br />

Un tel réseau était probablement destiné à compléter le dispositif d'ensemble ou à<br />

former une réserve d'eau, afin de ne jamais en manquer (8) .<br />

La deuxième tranche <strong>du</strong> projet hydraulique d'al-Mustansir consiste à alimenter<br />

en eau le bassin d'Abu-Fihr. Pour cela, plusieurs ouvrages complémentaires devaient<br />

nécessairement être bâtis. Rappelons que l'aque<strong>du</strong>c romain desservait Carthage et<br />

comme pour Tunis, al-Mustansir a dû construire un second tronçon d'aque<strong>du</strong>c reliant<br />

les jardins princiers avec le point le plus proche et surtout le plus commode de<br />

l'aque<strong>du</strong>c romain. Cette adjonction est beaucoup moins connue que la précédente.<br />

Solignac attribua non sans réserves à ce réseau détournant les eaux de Zaghouan vers<br />

Abu-Fihr, un fragment d'aque<strong>du</strong>c et deux petits bassins rectangulaires. Actuellement,<br />

l'environnement <strong>du</strong> site, fortement urbanisé, n'autorise nullement une prospection à<br />

l'instar de celle de Solignac (9) .<br />

Le bassin d'Abu-Fihr sur lequel nous avons concentré nos travaux est l'élément<br />

hydraulique d'un vaste jardin, conçu pour être un lieu de loisir et de détente pour le<br />

Sultan. Ibn Khaldoun consacre un long paragraphe à ce jardin. Sa description rend<br />

agréablement l'atmosphère qui y régnait. Elle est tellement appropriée à notre sujet et si<br />

instructive que nous n'hésitons pas à la citer dans sa totalité (l0) : "Dans le voisinage de la<br />

capitale il forma un jardin auquel il donna le nom d'Abou-Fehr et que l'admiration<br />

universelle a ren<strong>du</strong> célèbre. On y voyait une forêt d'arbres dont une partie servait à<br />

garnir des treillages pendant que le reste croissait en pleine liberté. C'étaient des<br />

figuiers, des oliviers, des grenadiers, des dattiers, des vignes et d'autres arbres à fruit;<br />

puis les diverses variétés d'arbrisseaux sauvages, tels que le jujubier et le tamarise, et<br />

tout cela disposé de manière à former de chaque espèce un groupe à part. On donna à<br />

ce massif le nom d'Es-Châra (le bocage) . Entre ces bosquets se déployaient des<br />

parterres, des étangs, des champs de ver<strong>du</strong>re ornés de fabriques et couverts d'arbres<br />

dont les fleurs et le feuillage charmaient les regards. Le citronnier et l'oranger mêlaient<br />

leurs branches à celles <strong>du</strong> cyprès, pendant que le myrte et le jasmin souriaient au<br />

nénufar. Au milieu de ces prairies, un grand jardin servait de ceinture à un bassin<br />

tellement éten<strong>du</strong> qu'il paraissait comme une mer. L'eau y arrivait par l'ancien<br />

aque<strong>du</strong>c, ouvrage colossal qui s'étend depuis les sources de Zaghouan jusqu'à<br />

Carthage et dont la voie passe tantôt au niveau <strong>du</strong> sol et tantôt sur d'énormes arcades à<br />

plusieurs étages, soutenus par des piles massives et dont la construction remonte à une<br />

époque très reculée. Ce con<strong>du</strong>it part d'une région voisine <strong>du</strong> ciel, et pénètre dans le<br />

jardin sous la forme d'un mur; de sorte que les eaux, sourdissant d'abord d'une vaste<br />

bouche pour tomber dans un grand et profond bassin de forme carrée, construit de<br />

pierres et en<strong>du</strong>it de plâtre, descendent par un canal assez court jusqu'au bassin (<strong>du</strong><br />

jardin) qu'elles remplissent de leurs flots agités. Telle est la grandeur de cette pièce<br />

d'eau que les dames <strong>du</strong> sultan trouvent moins de plaisir à se promener sur le rivage que<br />

de s'asseoir chacune dans une nacelle et de la pousser en avant, afin de remporter sur<br />

ses compagnes le prix de la vitesse. A chaque extrémité <strong>du</strong> bassin s'élève un pavillon,<br />

(8) Ajjabi H. Africa 1982 ; dans cet article, Ajjabi H. publie des sondages qu'il a effectués dans la cour de la mosquée<br />

Zitouna. A la p. 19, il parle de deux étonnantes citernes superposées et de canalisations en terre cuite menant vers un<br />

petit bassin et de là vers un "suçoir" externe. Ajjabi ne date pas ces structures, mais elles ont probablement un lien<br />

avec l'ouvrage d'al-Mustansir.<br />

Al abdari, "Al-Rihla.p. 40, précise bien que l'eau arrivait par des tubes de plomb installés à l'intention des étrangers et<br />

des tunisois qui manquaient d'eau ce qui provoquait souvent une grande affluence.<br />

(9) Solignac 1936. "La conservation d'un fragment d'aque<strong>du</strong>c paraissant s'aboucher avec l'aque<strong>du</strong>c romain et situé à<br />

1200 mètres au sud-ouest de la ville d'El-Ariana, nous a mis sur la voie de la découverte. Ce fragment d'aque<strong>du</strong>c qui<br />

décrit un zigzag à 3 coudes, est représenté sur les feuilles à 1/50000 Ariana et environ de Tunis...", p.535.<br />

(10) D'autre part, les passages de son ouvrage réservé à al-Mustansir tra<strong>du</strong>isent la haute opinion qu'il avait sur<br />

l'homme et son oeuvre : "De tous les princes de la famille d'Abou-Hafs, El-Mustancir fut celui dont l'autorité et la<br />

renomée eurent la plus grande éten<strong>du</strong>e... " "Sous lui (Al-Mustancir) la prospérité de Tunis fut portée au plus haut<br />

degré et les habitants jouirent d'une aisance sans exemple. On y rechercha le luxe dans les habillements, les<br />

équipages, les maisons, les meubles et les tentes ; l'on rivalisa d'efforts pour rebâtir, restaurer et améliorer..."<br />

Ibn Khal<strong>du</strong>n, Histoire des berbères... PP.373 et 374.<br />

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