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africa - Institut National du Patrimoine

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AfricaXIII/ Sacrifice, sacre et fête aux premiers temps de l'Islam Nabil GRISSA<br />

En effet, ce qui semble avoir été plus important chez les Arabes jusqu'en pleine<br />

époque islamique - et que leur langage courant tra<strong>du</strong>isait aussi clairement que le texte<br />

coranique - c'était une définition <strong>du</strong> changement d'état ( ou de retour à la source ) qui<br />

affecterait les choses et les êtres qui ne sont pas "sacrés" mais "sacralisés".<br />

Le "Harâm" désignerait, par conséquent, ce qui est interdit à cause de sa pureté<br />

("Tahâra") ou bien à cause de son impureté (la souillure = "Nadjâsa"), sans qu'il y ait<br />

contradiction - comme l'avait pensé Robertson Smith (90) - puisque le "Harâm-Impur"<br />

serait interdit de faire ou de toucher pour ne pas attraper la souillure alors que le<br />

"Harâm-Pur" serait interdit de faire ou d'approcher avant de se débarrasser de sa propre<br />

souillure, de se purifier; la pureté y est, donc, le centre de gravité d'une action double:<br />

éviter l'impureté ambiante et se débarrasser de celle qui est en soi.<br />

Il est, alors, évident qu'en Islam la sacralisation de la victime passe par une sorte<br />

de métamorphose interne grâce au rituel humain précédant l'acte d'immoler qui n'est<br />

pas un acte de destruction mais plutôt d'échange entre l'humain et le divin.<br />

Dans les propos que nous avions receuilli plus haut de Claude Lévi-Strauss, son<br />

allégorie <strong>du</strong> trop plein ne nous semble pas expliquer ce qui se passe réellement au<br />

moment <strong>du</strong> sacrifice musulman, car il est clair que la sacralisation de la victime n'est<br />

pas une charge trop lourde à supporter ou un danger à éviter; tout simplement, il<br />

s'agirait d'un passage <strong>du</strong> sacrificateur (ou <strong>du</strong> sacrifiant) d'un état à un autre par le biais<br />

de la victime immolée; ce qui importe, donc, le plus c'est ce qui se passe au niveau <strong>du</strong><br />

sacrificateur et non ce qui se passe au niveau de la victime.<br />

En effet, dans le sacrifice musulman, la victime est identifiée non pas au divin<br />

mais à l'humain - qui est entrain de transcender vers Dieu - et précisément à l'homme<br />

qui voudrait l'offrir ( ou même s'offrir ) au divin par compensation ou en expiation d'un<br />

acte qu'il a commis et dont il voudrait se rétracter ou dans le but de demander la Grâce<br />

divine, etc…<br />

En Islam encore et contrairement à la conception antique païenne, la mise en<br />

état <strong>du</strong> sacrifiant par la purification ou tout autre mesure exceptionnelle veut dire non<br />

pas une pénétration progressive et vigilente dans un univers divin étranger ou même<br />

terrifiant, mais désigne plutôt une métamorphose de l'humain par la purification et son<br />

ascension vers le divin Transcendental et Absolu en devenant lui-même sacré, voué à<br />

ce divin ( mais non pas en devenant soi-même divin ) et en s'offrant à Dieu en<br />

"Qurbân» comme le fils d'Abraham.<br />

L'animal immolé à la place de cet homme consacré et offert à Dieu serait une<br />

substitution à lui, une identification à l'humain et donc, il participerait au mouvement<br />

de transcendance de l'humain vers le divin dans le but de recevoir la Grâce divine<br />

("ar-Rahma"), le Pardon ( al-Ghufrân ) et/ou le Salut divin ("as-Salâm") (91) .<br />

(90)<br />

Smith N.R., Lectures on the Religion of the Sémites, the Fundamental <strong>Institut</strong>ions, intro<strong>du</strong>ction et notes par<br />

S.A. Cook, A. et C. Black, Londres, 1927.<br />

(91) c<br />

Coran, par ex: Sourate 5, verset 16 : Dieu guide par le Coran vers le "Salam", le Salut; voir Mu djam Alfâz al- Qur'ân,<br />

op.cit., p.306. D'autre part, nous pouvons croire à la connaissance des Arabes avant l'Islam de l'idée de "Grâce" non<br />

seulement à cause de l'existence dans leur langue <strong>du</strong> terme correspondant "Rahma" mais aussi à cause de l'appellation<br />

qu'ils donnèrent à l'une de leurs plus importantes divinités: "Rahman" en Arable orientale, "Rahmana" à Palmyre et<br />

"Rahmanan" au Yémen; cf.: Jawâd C ALI: Adyân al- c Arab, op. cit., p.107-116 et notamment p.113 ; Item.:<br />

Al-Mufassal fi Târîkh al- c Arab Qabl ai-Islam, Beyrouth, Dâr al- c Ilm lil-Malâyîn, 1970, vol.VI, p.30 et p.306; Marcel<br />

Leglay ("Villes, temples et sanctuaires de l'Orient romain", Paris, , Regards sur l'histoire, S.E.D.E.S.w l986, p.316, 318<br />

et 322-323) note la présence à Palmyre <strong>du</strong> Nom divin de "Rahim" ainsi que des appellations de qualité "le Bon, le<br />

Miséricordieux , le Compatissant " attribuées à la plus grande divinité de Palmyre " Baalshamin " ; néanmoins , cette<br />

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