africa - Institut National du Patrimoine
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Africa XIII/ Sacrifice, sacre et fête aux premiers temps de l'Islam Nabil GRISSA<br />
hommes aux dieux mais, dans le moment même où il les rapproche, il souligne et<br />
consacre l'infranchissable distance qui les sépare les uns des autres" (60) .<br />
Voilà, donc, un Sacré bien ambigu qui tient à la fois de ce qui est divin et de ce<br />
qui est humain, qui s'incarne dans toute victime sacrifiée et qui apparaît à la fin à<br />
travers un rite de communion.<br />
Ceci nous rappelle, d'ailleurs, ce que disait Claude Lévi-Strauss <strong>du</strong> sacrifice (61) :<br />
il le définissait comme étant un rite (il dit opération) dont le but est d'instaurer un<br />
rapport entre le sacrificateur et la divinité qui n'est pas de ressemblance mais de<br />
contiguité; et il ajoute, précisément, que ce rapport s'instaure "au moyen d'une série<br />
d'identifications successives qui peuvent se faire dans les deux sens, selon que le<br />
sacrifice est piaculaire ou qu'il représente un rite de communion, soit donc, <strong>du</strong><br />
sacrifiant au sacrificateur (62) ; <strong>du</strong> sacrificateur à la victime, de la victime sacralisée à la<br />
divinité; soit dans l'ordre inverse... une fois le rapport entre l'homme et la divinité<br />
assuré par sacralisation de la victime, le sacrifice le rompt par la destruction de<br />
cette même victime" (63) ; il conclut ensuite par ceci: "le schéma <strong>du</strong> sacrifice<br />
consiste en une opération irréversible (la destruction de la victime) afin de<br />
déclencher, sur un autre plan, une opération également irréversible (l'octroi de la<br />
grâce divine) dont la nécessité résulte de la mise en communication préalable de deux<br />
'récipients' qui ne sont pas au même niveau" (64) . Voilà un texte qui éclaire<br />
parfaitement l'approche particulière <strong>du</strong> mythe prométhéen élaborée par J.P.Vernant.<br />
En Grèce, la "grâce divine" venait à la suite des sacrifices expiatoires qui<br />
commémoraient à l'occasion de certaines fêtes le péché prométhéen comme s'il<br />
s'agissait de demander Pardon à Zeus; c'est, d'ailleurs, ce qui est signifié à travers<br />
l'interprétation postérieure donnée par les Grecs au mythe (65) .<br />
Le sacrifice pour les Grecs consistait, en outre, en l'offrande de la boisson et<br />
de la nourriture qui pouvait être des gâteaux, des fruits ou bien de la viande; l'occasion<br />
en était donnée soit au moment des fêtes après la récolte, pour remercier les dieux<br />
d'un succès ou d'un bonheur, soit avant une entreprise dont on demandait aux<br />
puissances supérieures la réussite, chaque fois qu'on invoquait la divinité, à<br />
l'occasion d'un serment, lors d'une purification après souillure ou bien pour chasser un<br />
malheur et, dans ce cas précis, c'est l'holocauste c'est-à-dire la victime est<br />
intégralement brûlée (66) .<br />
A Rome, cette "grâce divine" atten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> sacrifice est surtout<br />
l'accomplissement d'un voeu ou l'éloignement d'un danger comme celui des morts; le<br />
sacrifice étant, alors, moins un rite expiatoire qu'un rite intéressé qui se présente<br />
comme une contrainte sacrée exercée sur la divinité (67) .<br />
Remarquons, enfin, qu'à Rome autant qu'en Grèce le sacrifice était souvent<br />
donné à l'occasion de fêtes publiques suivies de banquets (68) .<br />
(60)<br />
Ibid,p.l41.<br />
(61)<br />
Lévi-Strauss C, La pensée sauvage, Paris, Pion, 1990, p.266-273.<br />
(62)<br />
Ici, Lévi-Strauss fait la distinction entre le sacrifiant qui est l'initiateur <strong>du</strong> sacrifice et le sacrificateur qui est, par<br />
exemple le prêtre, le seul habilité à immoler la victime et, donc, à avoir un contact direct avec la divinité.<br />
(63)<br />
Ibid, p.269.<br />
(64)<br />
Ibid, p.270.<br />
(65)<br />
Eliade, op.cit., p.270-272.<br />
(66)<br />
Devambez P., Martin M. et autres: Dictionnaire de la civilisation grecque, art." sacrifice", p.404-406, Paris,<br />
F.Hazan, 1966.<br />
(67)<br />
Bayet J., L'histoire politique et psychologique de la religion romaine, Paris, Payot, 1973, p.129-131 ; voir<br />
la réserve de Mr BECHAOUCH dans sa communication dans le cadre de ce séminaire.<br />
(68)<br />
Rachet G. et M.F., Dictionnaire de la civilisation grecque, Paris, Larousse, 1968, p.226-227.<br />
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