africa - Institut National du Patrimoine
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Africa XIII/L'Etat économique de l'Afrique byzantine d'après les récits des chroniqueurs arabes Abdelatif MRABET<br />
nous transmettent les chroniqueurs arabes est loin d'être fantaisiste (36) ; en révélant ce<br />
mouvement de thésaurisation consécutif à l'expédition de 647, l'archéologie et la<br />
numismatique la confirment pleinement. Certes, bâti sur des données numismatiques<br />
provisoires, notre constat sur l'inégale répartition de la richesse monétaire peut paraître<br />
circonstanciel; cependant, à ce jour, on ne peut lui opposer de données contradictoires<br />
et la carte des trésors monétaires n'a pas connu de grands changements; récemment<br />
encore, on a enregistré une importante trouvaille monétaire qui daterait <strong>du</strong> début <strong>du</strong><br />
V ème siècle faite dans la région de Chemtou, soit toujours dans cette même partie nord<br />
de l'Ifriqiya où la richesse semble avoir été la plus importante (37) .<br />
Dans les économies antiques, on le suppose, la richesse monétaire ne peut être<br />
que signe de prospérité; implicitement, les chroniqueurs arabes établissent la même<br />
équivalence. La présence d'or monétaire est avant tout l'expression d'une réalité<br />
économique positive: l'agriculture. Il n'est pas un seul annaliste, quelle que soit la<br />
tradition à laquelle il se réfère (38) , qui ne vante pas la richesse agricole <strong>du</strong> Maghreb; le<br />
pays, nous disent Ibn Idhari et an-Nuwaïri, est verdoyant depuis "Tripoli jusqu'à<br />
Tanger" (39) .<br />
Inévitablement, on le concède, une telle formule comporte une part certaine<br />
d'exagération (40) ; cependant, si l'on admet qu'aux temps anciens le sol d'Afrique était<br />
bien plus exploité qu'il ne l'est de nos jours, on ne peut contester la pertinence des<br />
propos des histoires et géographes arabes. Empruntant les principales voies antiques, le<br />
voyageur <strong>du</strong> Haut Moyen Age parcourait des paysages différents de ceux qu'offre<br />
aujourd'hui le Maghreb contemporain. Il faut admettre que de nombreux espaces<br />
actuellement désolés avaient été d'importants îlots de ver<strong>du</strong>re; ce fut le cas de djebel<br />
Nafussa, montagne aujourd'hui pelée et hier densément couverte d'oliveraies et de<br />
pâturages; de même, quand on remontait le littoral tripolitain en direction de l'Ifriqiya,<br />
on traversait des paysages très avenants; ainsi, d'Est en Ouest, quittant Tripoli en<br />
direction de Sabratha, le conquérant arabe parcourait des terres anciennement fertiles<br />
et à ce titre bien exploitées; en effet, n'était-ce pas là qu'à l'époque romaine, dans cette<br />
partie de la Tripolitaine, les Sévères et leurs familles s'étaient constitués d'importantes<br />
latifundia (41) ? D'ailleurs, la toponymie médiévale islamique a perpétué le nom des<br />
(36)<br />
D’après Morrisson C, tout au moins d'un point de vue numismatique, la période de la conquête arabe coïncide<br />
avec une "reprise" commencée au début <strong>du</strong> règne de Constant II vers 641. Voir Morrisson C. dans "Recherches"...,<br />
p. 74.<br />
(37)<br />
On a découvert, courant 1993, un trésor dans la région de Chemtou. A notre connaissance, la découverte n'a pas<br />
encore fait l'objet d'un rapport scientifique.<br />
(38)<br />
Les sources arabes, semble-t-il, se rattachent à quatre traditions principales : la première, orientale, est<br />
représentée par al-Waqidi dont l'oeuvre serait per<strong>du</strong>e ; toutefois, nous en connaissons quelques fragments rapportés<br />
par des auteurs postérieurs tels qu'al-Baladhuri ; nous ne savons quel crédit accorder à l'édition de Tidjani<br />
Mohammedi d'une oeuvre présumée de la plume de cet auteur. La seconde, attribuée à un descendant de Musa b.<br />
Nusaïr (Andalousie, VIIIème siècle) est également per<strong>du</strong>e ; de même, la troisième qui est <strong>africa</strong>ine ; seule, la<br />
quatrième, plus tardive, est intégralement conservée. Il s'agit de la tradition égyptienne représentée par Ibn abd-al-<br />
Hakam, mort au Caire en 871.<br />
(39)<br />
Ibn Idhari, al Bayan, p.26 An-Nuwaïri, op,. cite, tl, p. 341 Ar-Raqiq, "L'Ifriqiya s'étendait alors de Tripoli à<br />
Tanger en une multitude de villages mitoyens", ar-Raqiq, op. cite., p.31. Selon Ibn Hawqal qui a visité le Maghreb au<br />
Xème siècle : "Sur la bande qui s'étend entre l'Ifriqiya et l'extrémité des cantons de Tanger, sur une largeur qui varie<br />
entre une et dix journées de marche, on rencontre des lieux habités et des villes dont les cantons agricoles se<br />
touchent, ainsi que des champs cultivés, des domaines ruraux, des points d'eau" ; Ibn Hawqal, "Configuration de la<br />
terre", trad. Kramers J.H et Wiet G., Paris 1964,1,80. Le Maghreb au Xème siècle, nous dit al-Muqaddassi : " est<br />
une province admirable, éten<strong>du</strong>e et magnifique, qui possède un grand nombre de villes et de villages, et offre des<br />
ressources et une abondance étonnantes", al-Muqaddassi, "Ahsan at-Taqasim fi marifat al-aqalim", éd. et trad.<br />
partielles de Pellat Ch. sous le titre: Description de l'Occident musulman au IVème / Xème siècle, Alger 1950,<br />
pp.2-3.<br />
(40)<br />
Ce dont convient Talbi M. : "..On sait l'idée idyllique que se faisaient les Orientaux contemporains de la<br />
conquête de ce vaste verger qui s'étendait avant les destructions de la Kahina, assure-t-on, de Gabès à Tanger..";<br />
Talbi M., "L'émirat..", p.20.<br />
(41)<br />
Voir Lewicki T. et Kotula T. : " Un témoignage d'Al-Bakri et le problème de la ratio privata séverienne en<br />
Tripolitaine, ", Antiquités <strong>africa</strong>ines, 1986, pp. 255-271. Au sujet de l'agriculture tripolitaine, voir également J.<br />
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