le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli
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inondé jardins, terrasses, passerel<strong>le</strong>s, escaliers et tout <strong>le</strong> cirque de montagnes, comme rarement depuis<br />
longtemps. Ce fut vraiment une journée à photos!<br />
Et puis, dès 13h, se succédèrent une série de menus évènements, mais qui, pour un ermite, prennent<br />
une importance énorme. Tout d’abord, deux jeunes moines facteurs m’ont apporté du courrier. Une<br />
petite enveloppe de ma sœur aînée, Carmen; et une grosse enveloppe, de Christoph Cüppers, du LIRI,<br />
Népal: et comme dans <strong>le</strong>s poupées gigognes, la grande enveloppe en contenait el<strong>le</strong>-même quatre<br />
autres, arrivées à l’Institut après mon départ du Népal: uniquement des bonnes nouvel<strong>le</strong>s, de France et<br />
d’Italie! Je me remis à méditer, quand <strong>le</strong>s coups de frein d’une voiture m’annoncèrent l’arrivée d’un<br />
visiteur: c’était Massif Central qui rentrait de Séoul, avec des amis, et il m’apportait, devinez quoi? Du<br />
pain français, et du pain frais du matin! Et quelques minutes plus tard, il redescendait de ses quartiers<br />
avec un mètre de fax: Nice, Hong-Kong, Jordanie: bonnes nouvel<strong>le</strong>s, et puis quelques affaires à rég<strong>le</strong>r.<br />
J’allais me mettre à <strong>le</strong>s lire, quand je vois apparaître avec <strong>le</strong>urs grands chapeaux de pail<strong>le</strong>, Taë-ri de<br />
Padoue et Sandima de Rangoon, qui m’apportaient des ‘provisions’: du pain de mie, en quantité, du<br />
fromage de Ceddar et des fruits, oranges et pommes, et jusqu’à d’opu<strong>le</strong>ntes tomates! Avec <strong>le</strong> dernier<br />
paquet de Pierre livré lundi, me voilà assuré de proviande jusqu’à la fin de mon séjour…et au-delà, <strong>le</strong><br />
cas échéant!<br />
J’ai vécu cela dans une atmosphère de fête et de réconciliation avec <strong>le</strong> monde matériel, à cause de cette<br />
amitié traduite non pas par des mots seu<strong>le</strong>ment, mais sensib<strong>le</strong>ment et réel<strong>le</strong>ment! Deuxième jour des<br />
Rogations, aujourd’hui! Je n’ai pas pu m’empêcher de songer à mon souvenir ’jacobite’ d’hier, celui<br />
de la procession dans <strong>le</strong>s ‘Jardins de Monseigneur’, avec l’histoire du “A tempestate, FAME et bello,<br />
libera nos, Domine”! Tant que je mangerai à ma faim, je croirai en lui! Si un jour il venait à me<br />
manquer, eh bien…Depuis cette procession, il ne m’a jamais manqué: pour avant, je ne me posais pas<br />
la question! Je crois en la Providence, chaque jour plus fort que la veil<strong>le</strong>.<br />
KAM RO AM, 20 MAI 1998.<br />
Kam ro am est vraiment beau comme çà, propre comme un sou neuf, un so<strong>le</strong>il caressant, une brise<br />
fraîche, juste ce qu’il faut, et des cou<strong>le</strong>urs luisantes et vives! Et puis tous ces oiseaux qui virevoltent<br />
autour des nids et des buissons, se posant sur <strong>le</strong>s f<strong>le</strong>urs pour reprendre ha<strong>le</strong>ine et se parfumer un peu!<br />
J’ai l’impression d’écrire une rédaction d’entrée en 6 e , et c’est pourtant l’exacte vérité! Depuis ce<br />
matin, c’est un enchantement! Et Massif Central qui ne cesse de me faire des compliments sur ma<br />
bonne mine, mes cou<strong>le</strong>urs à moi aussi, et mon énergie inépuisab<strong>le</strong>, qu’il dit! Il m’a déclaré, tenant à<br />
deux mains une grande bassine débordant de salades vertes qu’il venait de cueillir dans son jardin<br />
potager, que je peux me servir quand je veux! La laitue, surtout, insistait-il, contient beaucoup de<br />
vitamines! Je continue donc mes Rogations, troisième et dernier jour: c’est bien encore de ‘manger’ et<br />
de ‘nourriture’ qu’il s’agit, Dieu continue d’exaucer ma prière d’antan: “A fame, libera me,<br />
Domine!”Ce n’est donc pas à Kam ro am que je mourrai de faim!<br />
Je sens que la fin s’approche à grands pas. Le seul fait de savoir qu’avec l’Ascension se terminera la<br />
présence physique de Massif Central ici donne à tout ce que j’entreprends un goût de derniers<br />
préparatifs. Et sachant que cet épilogue prendra donc fin demain soir, je sens de plus en plus combien<br />
dérisoire, quoique courageux, était mon projet de ‘me plonger dans <strong>le</strong> zen un certain temps’, à coté de<br />
ceux qui y consacrent une existence entière, comme ces moines itinérants qui vont, ainsi, de retraite en<br />
retraite, de monastère en monastère, de maître en maître! Moi, j’y aurai juste trempé <strong>le</strong>s pieds,<br />
comment eussé-je pu apprendre à y nager? Je pense à Taë-ri <strong>le</strong> Padouan et à Sandima <strong>le</strong> Birman, si<br />
jeunes, à peine cinquante ans à eux deux! Le premier, arrêtant des études d’art pour commencer, jeune<br />
homme, cet itinéraire dont <strong>le</strong> but s’éloigne d’autant plus loin, qu’on a la conviction d’al<strong>le</strong>r plus vite!<br />
L’autre, entré à neuf ans dans un monastère de Rangoon, et décidant, ne connaissant rien d’autre,<br />
d’avancer sur un chemin qu’on a tracé pour lui!<br />
Qui, quoi <strong>le</strong>s aura mis en route? Qu’est-ce qui chez l’italien de Vénétie, au visage racé, à l’allure<br />
élancée, aux membres longs et détachés, chez l’étudiant de Bologne et l’amateur de beauté, qu’est-ce<br />
qui a été touché au point qu’une vie a basculé d’un monde dans un autre, où <strong>le</strong>s Bodhisattva prennent<br />
la place de tous <strong>le</strong>s Saint Antoine! Et chez <strong>le</strong> petit homme râblais des rizières de l’Irrawaddy, que la<br />
coutume immémoria<strong>le</strong> a ‘placé’, comme tous <strong>le</strong>s garçons, un temps, chez <strong>le</strong>s moines, et qui y est resté:<br />
quel<strong>le</strong> nécessité autre que la tradition a fait trouver ‘enviab<strong>le</strong>’ un chemin imposé! Depuis dix jours,<br />
huit heures par jour, et pendant quatre-vingt jours encore, ils vont ‘mâcher du hwadu” dans