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le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

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qu’avec la certitude de son inaptitude, est une véritab<strong>le</strong> torture mora<strong>le</strong>, avant que, par l’exercice, cel<strong>le</strong>ci<br />

ne se transforme en torture physique. Il est vrai que je fais tout ceci par choix délibéré, et que je ne<br />

m’attends jamais à rien de ce qui m’arrive, depuis la cellu<strong>le</strong> commune des premiers jours, jusqu’au<br />

royal plateau de fruits déposé hier ‘chez moi’; depuis l’incommodité de vivre au ras du sol, jusqu’à<br />

l’enivrante plénitude de ma méditation nocturne, dans la brise de la nuit fraîche et l’accompagnement<br />

des mélopées clamées dans <strong>le</strong> grand hall; depuis la pérégrination du chemin des toi<strong>le</strong>ttes, jusqu’à<br />

l’intense plaisir d’une douche brûlante!<br />

Mais je suis fa-ti-gué! Tout mon corps résonne d’inconfort. Mon poids n’arrangeant rien, me re<strong>le</strong>ver<br />

exige un véritab<strong>le</strong> effort. Monter ou descendre l’escalier de bois, aux marches majestueuses mais très<br />

hautes, qui mène à mon étage, est toute une gymnastique. Ah, <strong>le</strong> délice : en bas des marches justement,<br />

j’ai découvert une (relativement) petite chaise à dossier, faite de lattes de bois: une espèce de chaise de<br />

jardin. Je m’y assois à la moindre occasion; et si je traîne au réfectoire, ce n’est certainement pas pour<br />

<strong>le</strong> menu, mais parce qu’il y a des chaises!<br />

Je crois que l’hébétude doit jouer son rô<strong>le</strong> dans tout <strong>le</strong> processus. L’inconfort généralisé de la<br />

situation, due à la nourriture qui est ce qu’el<strong>le</strong> est, à l’horaire haché menu, à la position assise au sol, à<br />

devoir vivre sans cesse par terre et se déchausser puis se rechausser chaque fois que l’on pénètre ou<br />

quitte un bâtiment, aux expéditions pour <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes ou la sal<strong>le</strong> d’eau… ne peut à la longue qu’agir sur<br />

l’individu. Je peux prévoir une légère dépression dans quelque temps, dont il faudra se re<strong>le</strong>ver d’une<br />

façon ou d’une autre, suivie d’une espèce de révolte intérieure (extérieure, je ne sais<br />

comment…encore!), et une fois cette révolte maîtrisée, alors s’instal<strong>le</strong>ra une acceptation de plus en<br />

plus sereine de l’inévitab<strong>le</strong>, qui mènera à une relative harmonie psychologique de l’individu avec un<br />

environnement inchangé, certes, mais au sein duquel il aura en quelque sorte réussi à trouver une<br />

place, sa place.<br />

Pascal dit quelque part dans Les Pensées, je crois: ‘ Abêtissez-vous!’ Si vous vou<strong>le</strong>z obtenir la foi,<br />

faites <strong>le</strong>s gestes de la foi, et la foi viendra. Je me demande si je ne suis pas en train de suivre ce conseil<br />

que <strong>le</strong> philosophe donne au libertin, pour ce qui touche la méditation zen, naturel<strong>le</strong>ment. Je fais tout ce<br />

qu’il faut faire, à mon sens. J’attends l’arrivée de Chung Hym Sunim pour lui demander <strong>le</strong>s conseils<br />

d’un Maître, et depuis mon arrivée, je m’inflige <strong>le</strong> martyre, au moins sept fois par jour, sans compter<br />

la nourriture ni <strong>le</strong>s (in)commodités! Je sais que tout ceci ne peut pas être vain de toute façon, et que<br />

cette expérience, relativement peu ordinaire, - du moins parmi <strong>le</strong>s gens que je connais, - portera des<br />

fruits et aura des retombées, dont j’ignore la nature, mais dont je sens l’importance: ne serait-ce que<br />

cel<strong>le</strong> de “ l’avoir faite”.<br />

En revanche je ne constate rien qui ait pu évoluer chez moi, depuis une semaine, demain. (Plus que<br />

huit!). Je suis un homme pressé, c’est vrai: mais je dois comprendre que ce n’est pas en huit jours, que<br />

<strong>le</strong> non sportif total que je suis, va réussir à assouplir ses articulations, parce qu’il s’adonne environ<br />

sept heures par jour à quelques contorsions au sol! Après des dizaines d’années de non entraînement!<br />

C’est comme en psychanalyse: on ne peut pas rég<strong>le</strong>r en quelques séances, des questions et des<br />

problèmes qui se posent depuis des années et des années. Alors que Dieu m’aide à m’abêtir <strong>le</strong> plus vite<br />

possib<strong>le</strong> et <strong>le</strong> temps qu’il faudra.<br />

SONGGWANG SA, 03 AVRIL 1998.<br />

Le vide, je <strong>le</strong> ressens surtout par <strong>le</strong> fait de n’avoir rien pour <strong>le</strong> comb<strong>le</strong>r. Depuis une semaine, je ne lis<br />

pas, volontairement, sauf parfois ces notes qui précèdent. Je n’ai pas ‘<strong>le</strong> droit’ de me promener à<br />

l’extérieur de mon aire d’habitation. Bien entendu, je n’écoute pas la radio, et quant à ‘par<strong>le</strong>r’, ce sont<br />

trois fois par jour, <strong>le</strong>s quelques mots d’anglais basique, échanges avec John ou Jo au réfectoire. Le<br />

vide par <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce, d’abord, et donc la solitude. Mon univers, c’est <strong>le</strong>s douze mètres carrés de ma<br />

cellu<strong>le</strong> (pour moi tout seul, cette fois), avec un coin de ciel, de montagne et de temp<strong>le</strong>, quand j’ouvre<br />

ma porte, comme ce matin, pour y faire entrer <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il revenu, et <strong>le</strong> chemin du réfectoire qui traverse<br />

toute l’esplanade du temp<strong>le</strong>. Ah, j’oubliais: à trois heures du matin, la route des feuil<strong>le</strong>ts!<br />

Le vide, je <strong>le</strong> ressens encore, et bien plus, dans mon incapacité ou mon peu de savoir-faire et de<br />

succès, dans la stricte observance de mon ‘inspir-expir’, dans <strong>le</strong> maintien sans rupture de la position<br />

assise et dans la permanence dans l’ici et maintenant de ma présence. Bref, sur tous <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>aux, je ne<br />

suis pas un élève doué. Je m’efforce, seu<strong>le</strong>ment.<br />

L’attention ni la patience ne s’acquièrent du jour au <strong>le</strong>ndemain, surtout pour des êtres comme moi,<br />

mus par l’action efficace et la rapidité d’exécution. Et qui se lassent vite! En tout cas, en ces jours,

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