le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli
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Quand je me penche sur mon histoire ‘intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>’, c’est plus l’esthétique que la mora<strong>le</strong> qui, en moi,<br />
a fonctionné de façon discriminante: l’attitude mora<strong>le</strong> étant plutôt réf<strong>le</strong>xe, l’esthétique, spontanée. En<br />
ce sens, je me sens ‘naturel<strong>le</strong>ment’ plus grec que sémite, depuis toujours. Si <strong>le</strong>s catégories ‘du bien et<br />
du mal’ fonctionnent chez moi, c’est d’abord et surtout dans <strong>le</strong> domaine de la beauté. Le ‘païen’ en<br />
moi se range décidément du coté d’Alfred de Musset, quand il tonitrue (même si c’est un peu trop<br />
excessivement romantique: Madame de Staël vient de publier ‘De l’Al<strong>le</strong>magne’, à l’étranger, interdite<br />
de séjour en France par Napoléon):<br />
Rien n’est beau que <strong>le</strong> vrai, dit un vers respecté!<br />
Et moi, je lui réponds, sans crainte du contraire:<br />
Rien n’est vrai que <strong>le</strong> beau, rien n’est vrai sans beauté!<br />
Ou encore du coté de Oscar Wilde: ‘Un livre n’est pas bon ou mauvais: il est bien ou mal écrit!’,<br />
déclarait-il à l’époque où Baudelaire voyait condamner ses ‘F<strong>le</strong>urs du Mal’, pour immoralité, et que<br />
lui-même était en train de mettre la dernière main au ‘Portrait de Dorian Gray’, qui devait précipiter<br />
sa propre chute !<br />
C’est en me ‘civilisant’, en fait, que je suis passé du règne exclusif de la ‘perception sensitive’ à un<br />
doub<strong>le</strong> royaume à partager avec la ‘pensée conceptuel<strong>le</strong>’. L’Algérien de Tipasa a dû s’expatrier dans<br />
<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s du nord où l’on pense : sur <strong>le</strong>s rives de la Seine, de la Cam et de l’Isar! Il a appris français,<br />
anglais et al<strong>le</strong>mand pour lire, écouter, et écrire lui-même fina<strong>le</strong>ment: philosophie et théologie,<br />
sociologie et psychanalyse, économie et politique, où dichotomie, manichéisme et schizophrénie<br />
commandent tout! Ce fut, en quelque sorte, et pour plagier Julien Benda, ‘ma trahison du non- c<strong>le</strong>rc’!<br />
Voilà pourquoi il ne m’est pas étranger d’imaginer un moment en deçà des catégories du bien et du<br />
mal: parce que je l’ai vécu d’une certaine façon! Et en dépit de trente ans d’ ’occident universitaire,<br />
écrivail<strong>le</strong>ur et dia<strong>le</strong>ctique’, rien encore n’a réussi à éradiquer entièrement de mon terreau <strong>le</strong> ‘chiendent<br />
rebel<strong>le</strong>’ de mes souches vita<strong>le</strong>s, ni à éteindre définitivement sous mon polygone chtonien ‘<strong>le</strong>s laves de<br />
feu solide’ de mes volcans actifs! La mora<strong>le</strong> et l’analyse ne sont restées que des superstructures<br />
idéologiques de ma ‘pensée sauvage’ (pour m’aider de Claude Lévi-Strauss): el<strong>le</strong>s ne sont pas moi. Ou<br />
alors si: el<strong>le</strong>s constitue(raie)nt (peut-être) ce moi illusoire!?<br />
Mais nonobstant, demeure la question: quel est, - ‘après/avant’ tout çà -, ‘mon véritab<strong>le</strong> visage, mon<br />
vrai moi, ma réalité originaire’!<br />
Tout comme <strong>le</strong> hwadu, l’interrogation est doub<strong>le</strong> et porte:<br />
1 : sur cet ‘avant/après’ tout ‘çà’: c’est-à-dire l’origine et l’eschaton;<br />
2 : sur ces ’deux mots’, l’illusoire et <strong>le</strong> véritab<strong>le</strong>: c'est-à-dire <strong>le</strong> même et l’autre.<br />
Dhyâna, Ch’an, Sôn ou Zen: <strong>le</strong>s bouddhistes se contentent de postu<strong>le</strong>r en <strong>le</strong> niant, cet AVANT/APRES,<br />
et pour <strong>le</strong> mieux, en font un seul ‘dharma’ en <strong>le</strong>s équivalant. Le plus autorisé de tous, Sakyamuni <strong>le</strong><br />
Bouddha, laisse la question en suspens, comme n’ayant aucun intérêt pratique et ne créant que des<br />
problèmes insolub<strong>le</strong>s. C’est pourquoi <strong>le</strong> but du hwadu n’est pas de réponde aux questions que <strong>le</strong><br />
méditant se pose à son propos: ceci est important! Son but est de <strong>le</strong>s faire se poser, et c’est,<br />
paradoxa<strong>le</strong>ment, d’être posées, que <strong>le</strong>s questions prennent un sens, en tant que ‘questionnement’: el<strong>le</strong>s<br />
visent alors à ‘remettre en question’, à créer un doute sur <strong>le</strong>ur objet même, et dans <strong>le</strong> ‘cœur’ de celui<br />
qui médite.<br />
Au temps où j’enseignais la philosophie à Nice, j’emmenais, quand <strong>le</strong> temps était exceptionnel<strong>le</strong>ment<br />
clair, tous mes étudiants passer une nuit, sur <strong>le</strong> Mont Boron qui surplombe la Baie des Anges, sous la<br />
grande coupo<strong>le</strong> de l’Observatoire. C’est un astronome de mes amis, Mr Bernard Mil<strong>le</strong>t qui <strong>nous</strong><br />
racontait <strong>le</strong> ciel, l’univers et <strong>le</strong>s galaxies. Bien sûr, une nuit, un étudiant posa ‘la question de<br />
confiance’: “ Mais enfin, Monsieur, <strong>le</strong> Big Bang, au fond, qu’est-ce que c’est!” L’astronome eut une<br />
réponse fulgurante, à la fois numineuse et obscure comme un quasar: “Eh bien, voyez-vous, c’est<br />
‘l’origine du début du commencement’!” Ce “Tabula rasa” de l’antécédence constitue la question,<br />
naïve peut-être, mais la seu<strong>le</strong> philosophique: pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien, ou bien: qu’y<br />
avait-il, quand il n’y avait – encore – rien? Car <strong>le</strong> hwadu fonctionne même en Occident, et donne<br />
naissance aux mythes et mystères (voir tout Mircea Eliade), sans compter <strong>le</strong>s charmants mots dits<br />
‘d’enfants’, si riches d’enseignement! “Mais bien sûr!”, fut la réaction de l’étudiant: et comme il se<br />
déclarait, par là, satisfait lui aussi, Monsieur Mil<strong>le</strong>t n’alla pas plus loin!